La crise haïtienne, toile de fond des élections en République dominicaine

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Un citoyen haïtien au marché de Jimani, à la frontière entre la République dominicaine et Haïti, le 15 mai 2024.

Des claquements réguliers de dominos sur une table en bois ponctuent une fin d’après-midi indolente à Miraflores, quartier résidentiel de Saint-Domingue, la capitale de la République dominicaine. Au rez-de-chaussée d’un bâtiment de quatre étages encore en chantier, trois joueurs attablés échangent quelques plaisanteries en créole haïtien : une journée de travail vient de se terminer, et ces ouvriers savourent ce moment de répit. D’autres vont et viennent aux abords de ce futur immeuble d’appartements de standing.

« C’est un travail très difficile », soupire, près du portail, un grand jeune homme à la silhouette svelte qui donne, à contrecœur, son prénom : Fénac. « Mais c’est tout ce qu’il y a comme travail si tu n’es pas né ici », poursuit, avec un sourire résigné, cet ouvrier de 29 ans originaire des Gonaïves, grande ville du nord-ouest d’Haïti. Voilà sept ans que Fénac trime sur les chantiers de Saint-Domingue : du lundi au vendredi, de 8 heures à 17 heures, mais aussi le samedi, « jusqu’à 3 heures ou 4 heures de l’après-midi », dit-il, dans un créole mâtiné d’espagnol. Le tout pour 12 500 pesos (196 euros) par quinzaine.

L’un des joueurs de dominos finit par se lever et se joint à la discussion. « Dans ce pays, les Haïtiens n’ont aucune valeur ! », s’indigne ce travailleur qui requiert l’anonymat. « Ça fait longtemps que j’attends d’avoir des papiers. Et, si tu n’as pas de papiers, les policiers te tabassent lorsqu’ils t’attrapent », fustige ce trentenaire, contraint de « vivre caché ». L’avant-veille, un maçon haïtien d’une quarantaine d’années a fait une chute mortelle depuis le sixième étage de la tour en construction juste en face. « Les conditions dans lesquelles on doit travailler sont indignes. Il n’y a aucune sécurité », se désole l’ouvrier.

« Une forme d’esclavage »

La présence de ces sans-papiers sur ces chantiers de Miraflores n’a rien d’anecdotique : dans tout le pays, le secteur de la construction emploie une grande majorité de travailleurs immigrés, principalement originaires d’Haïti, unique pays limitrophe de la République dominicaine sur la grande île d’Hispaniola, qui organise, dimanche 19 mai, des élections générales.

Et ce, en dépit d’une réforme du code du travail, adoptée en 1992, qui fixe un plafond de 20 % de salariés étrangers dans les entreprises dominicaines. « En réalité, c’est tout l’inverse : huit ouvriers du BTP sur dix sont Haïtiens. Le bâtiment n’a pas la cote auprès des locaux », constate Esperidon Villa, président de la confédération syndicale CASC. Ceux-ci sont découragés par les bas salaires dans ce secteur, les faibles garanties sociales et les fréquents accidents du travail. « La majorité des ouvriers dorment, la nuit, sur leur chantier », poursuit le responsable syndical, qui dénonce « une forme d’esclavage ».

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