L’Azerbaïdjan reprend la main sur l’exclave du Nakhitchevan

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Le malheur des Arméniens du Haut-Karabakh fait le bonheur des 460 000 habitants du Nakhitchevan, une région isolée de 5 500 kilomètres carrés, grande comme un département français, située dans l’ouest de l’Azerbaïdjan. Comme le Haut-Karabakh, le Nakhitchevan vivait en quasi-autarcie à cause des guerres auxquelles se livrent Arméniens et Azerbaïdjanais depuis trois décennies.

Un soldat azerbaïdjanais attend le départ d’un train à la gare de Nakhitchevan (Azerbaïdjan), le 11 octobre 2023.

« La guerre de 2020, qui a débouché sur libération du Haut-Karabakh [et le départ par la force de 100 000 Arméniens, début octobre], a entièrement changé le contexte régional », explique, dans son bureau, Anar Ibrahimov, vice-président du Ali Majlis (Parlement) de la République autonome du Nakhitchevan. « Le Nakhitchevan peut désormais avancer et sortir du blocus auquel il était soumis depuis trente ans par les Arméniens », assure ce grand moustachu à lunettes, bien droit sous le double portrait des deux derniers présidents d’Azerbaïdjan depuis la proclamation de son indépendance, en 1991 ; le père, Heydar Aliev, 1993-2003, et son fils, Ilham. Ce dernier, en tenue de camouflage, s’est rendu pour la première fois dans le Haut-Karabakh, le 15 octobre, pour fouler aux pieds le drapeau des séparatistes arméniens devant les caméras de la télévision d’Etat. Vingt ans jour pour jour après avoir hérité du pouvoir de son père.

Lire aussi une archive de 1993 : Article réservé à nos abonnés L’espoir ” turc ” du Nakhitchevan

Le relief accidenté du Caucase du Sud avait fait du Nakhitchevan un couloir naturel reliant Erevan à Bakou et à Téhéran. Mais la politique, sous sa forme la plus détestable, l’a transformé en exclave – un territoire sous la souveraineté d’une nation dont il est séparé par un pays ou par une mer. Coupé de l’Azerbaïdjan au nord et à l’est par un massif montagneux appartenant à l’Arménie ennemie et connu sous le nom de Zanguezour. Sur son flanc sud-ouest, la rivière Araxe délimite la frontière avec l’Iran, un voisin avec qui Bakou entretient des relations en dents de scie. La seule route terrestre reliant le Nakhitchevan avec le reste de l’Azerbaïdjan passait par l’Iran en faisant un détour de plusieurs centaines de kilomètres pour éviter de longer la frontière arménienne. Téhéran avait coupé cette route au moment de la guerre de 2020.

Anar Ibrahimov, vice-président du parlement du Nakhitchevan, dans son bureau à Nakhitchevan (Azerbaïdjan), le 11 octobre 2023.

Ce que ne dit pas M. Ibrahimov, qui a fait toute sa carrière au sein du parti au pouvoir, c’est que son ancien chef, Vasif Talibov, président de l’Assemblée suprême de la république autonome du Nakhitchevan, avait lui-même fortement contribué à verrouiller la région. « Talibov contrôlait tout, dirigeait tout et réprimait immédiatement tous ceux qui lui résistaient. Personne ne bougeait le petit doigt sans son autorisation. Heydar Aliev, avec qui il a des liens de parenté, lui a donné le Nakhitchevan comme un fief personnel. Bakou a rapidement perdu toute autorité ici. Talibov prenait un malin plaisir à dicter ses propres lois, par exemple à imposer des uniformes pour les écoliers, interdire l’achat de voitures en Azerbaïdjan », témoigne Ismaïl, un homme d’affaires local qui requiert l’anonymat.

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