Est-il possible d’interdire toutes les manifestations propalestiniennes ? C’est, en substance, la question posée au Conseil d’Etat dans le cadre d’une audience en référé, mardi 17 octobre. Le Comité Action Palestine – association disant défendre le « droit à l’autodétermination » de la Palestine, qui appelle « à la libération de la terre arabe de Palestine » et dénonce « le sionisme en tant que mouvement colonialiste et raciste » – avait, en effet, déposé un recours contre l’interdiction demandée par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin.
Le 12 octobre, ce dernier avait ainsi adressé un « télégramme » aux préfets leur enjoignant d’interdire « les manifestations propalestiniennes, parce qu’elles sont susceptibles de générer des troubles à l’ordre public ». Ironie de l’histoire : le Conseil d’Etat avait suspendu en 2022 la dissolution du Comité Action Palestine, lancée par Gérald Darmanin pour « appel à la haine, à la discrimination, à la violence » et pour « provocation à des actes terroristes ».
Selon Vincent Brengarth, l’un des avocats du Comité Action Palestine, l’interdiction des manifestations propalestiniennes est « générale, absolue, sans limite de temps ou de restriction géographique ». La veille, dans Médiapart, il avait estimé que « toute interdiction générale et de principe est par nature illégale ». Une ligne de défense qu’il a répétée mardi matin : « Cette interdiction fait abstraction du cadre légal pour décréter une interdiction de principe et absolue des manifestations propalestiniennes », a-t-il notamment fait valoir, affirmant que la rédaction du télégramme du ministre équivalait à une obligation pour les préfets de s’y conformer.
Risque réel de trouble à l’ordre public
Du côté du ministère de l’intérieur, Pascale Léglise, directrice des libertés publiques et des affaires juridiques, a estimé au contraire que le télégramme n’avait « aucune valeur normative » et que les préfets continuaient d’évaluer « in concreto » la situation et prenaient des mesures d’interdictions de manière circonstanciée. En effet, le principe en droit est la liberté de manifester, l’interdiction devant rester l’exception. En minimisant la portée du document litigieux, le risque de le voir suspendu par le Conseil d’Etat s’amoindrit.
Le ministère de l’intérieur a néanmoins développé une analyse affirmant que les manifestations propalestiniennes constituaient des « soutiens aux actions commises par le Hamas et aux actions du 7 octobre [en Israël] ». « Ce ne sont pas des manifestations de soutien aux victimes de la situation en Palestine, mais des manifestations de soutien aux actions du Hamas et à la résistance par tous les moyens. Ce ne sont pas des rassemblements pacifiques pour la paix en Israël et en Palestine », a-t-elle notamment développé, estimant le risque de trouble à l’ordre public réel, tout comme celui de commission d’infraction, notamment celle d’apologie du terrorisme. Mme Léglise craint, par ailleurs, « une importation » du conflit en France : selon ses chiffres, depuis le 7 octobre, « 2 500 signalements d’actes antisémites ont été signalés, dont 232 ont été judiciarisés ».
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