Werner Plumpe, historien de l’économie : « En Allemagne, les conflits salariaux devraient se multiplier »

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Le chancelier allemand, Olaf Scholz (2ᵉ à gauche) ; le premier ministre de Bavière, Markus Soeder (à droite) et la ministre allemande de l’éducation et de la recherche, Bettina Stark-Watzinger (2ᵉ à droite), s’entretiennent avec un employé d’Eavor New Technologies sur une tour de forage lors de leur visite d’une « centrale géothermique » à énergie verte, à Geretsried (Bavière), dans le sud de l’Allemagne, le 24 août 2023.

Pour Werner Plumpe, professeur d’histoire économique et sociale à l’université Goethe de Francfort, les fondements de la compétitivité allemande sont durablement menacés.

En Allemagne, les industries dites « intensives en énergie », en particulier la chimie, sont en crise depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine et la fin des livraisons de gaz russe. Historiquement, quel rôle a joué l’énergie dans le développement économique de l’Allemagne ?

Un rôle très important. Si l’Allemagne s’est industrialisée très rapidement depuis le milieu du XIXe siècle, c’est aussi parce que le charbon de haute qualité était une source d’énergie bon marché disponible en grandes quantités. Cela a été un facteur central non seulement pour l’industrie minière et sidérurgique, mais aussi pour le développement de l’industrie chimique, qui n’avait pas seulement besoin de charbon comme combustible, mais qui, au début, s’est entièrement construite sur l’utilisation de dérivés du charbon. Le gaz russe bon marché a pris une grande place lorsque l’Allemagne a décidé d’abandonner l’énergie nucléaire. La disponibilité de sources d’énergie bon marché explique en grande partie pourquoi l’industrie a bénéficié d’une structure de coûts avantageuse, et a donc maintenu une part aussi importante de la valeur ajoutée nationale.

La crise de compétitivité allemande des années 1990, qui avait conduit aux réformes Schröder, est-elle comparable à la période actuelle ?

En partie seulement. A l’époque, ce n’était pas la structure industrielle du pays qui était en jeu. Les réformes Schröder ont amélioré la structure des coûts de l’industrie allemande dans leur ensemble. Cela signifie qu’après l’an 2000, les coûts salariaux ont augmenté dans toute l’Europe, mais pas en Allemagne. L’industrie en a beaucoup profité. L’euro, qui était très bon marché par rapport au deutschemark allemand, a également joué un rôle, en facilitant les exportations. Actuellement, nous sommes confrontés à un double défi : l’absence d’énergie bon marché et, en même temps, l’érosion de la productivité. Ce dernier problème est grave, car nous ne sommes plus assez productifs pour payer des prix élevés pour le travail.

Voyez-vous dans cette crise une menace pour l’équilibre des relations entre partenaires sociaux ?

En effet, la bonne coopération entre les partenaires sociaux reposait sur le fait qu’en cas d’augmentation importante de la productivité, il était possible de procéder à des hausses de salaire significatives sans mettre en péril la compétitivité des entreprises. Il y avait toujours plus d’argent à distribuer, de sorte que les deux parties étaient satisfaites. Avec la faible évolution de la productivité de ces dernières années et l’inflation, le partenariat social perd sa base matérielle. C’est la raison pour laquelle les conflits salariaux devraient se multiplier. Le modèle de partenariat social, qui reposait sur le consensus, risque la crise.

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