La Seine et les fleuves européens contaminés par un « polluant éternel » passé sous les radars

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Les rives de la Seine, à Paris, le 11 mai 2024.

Près de 1,5 milliard d’euros d’investissements, quatre ouvrages d’assainissement créés, dont un bassin de rétention des eaux usées et pluviales d’une capacité équivalente à 20 piscines olympiques… L’Etat et les collectivités n’ont pas ménagé leurs efforts pour rendre la Seine baignable pour les Jeux olympiques puis pour le public à partir de 2025. La « baignabilité » de la Seine renseigne seulement sur sa qualité bactériologique à travers la surveillance de deux familles de bactéries (Escherichia coli et entérocoques). Une autre pollution, d’origine chimique, passe sous les radars. Un rapport publié lundi 27 mai révèle une « contamination généralisée » des cours d’eau en Europe par l’acide trifluoroacétique (TFA), un « polluant éternel » aussi peu connu que réglementé, issu notamment de la dégradation des pesticides appartenant à la grande famille des substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS).

Les associations du Réseau européen d’action contre les pesticides (PAN Europe) ont prélevé des échantillons d’eau dans vingt-trois fleuves et six nappes phréatiques de dix pays de l’Union européenne (France, Allemagne, Espagne, Belgique, Autriche, Pays-Bas…). Les analyses ont été confiées au réputé Centre technologique de l’eau de Kalsruhe (Allemagne). Les résultats montrent la présence de PFAS dans tous les échantillons et à plus de 98 % de TFA. Cette substance ne fait aujourd’hui l’objet d’aucune norme spécifique mais dans près de 80 % des échantillons, les concentrations de TFA dépassent la valeur limite de 500 nanogrammes par litre – fixée pour la somme totale des PFAS présents – de la directive européenne sur l’eau potable qui doit s’appliquer à partir de 2026. Les niveaux de TFA détectés oscillent entre 370 ng/l dans la Salzach, à Salzbourg, et 3 300 ng/l dans l’Elbe, à Hambourg (Allemagne), avec une moyenne de 1 180 ng/l.

« C’est sans doute la contamination la plus importante et la plus répandue des eaux de surface et souterraines européennes par un produit chimique fabriqué par l’homme », commente Salomé Roynel, la coordinatrice du réseau PAN. Le Monde a soumis les résultats à plusieurs experts. Tous les jugent « préoccupants ». « Cette contamination généralisée est très inquiétante d’autant que les niveaux rapportés sont assez élevés », estime Ian Cousins, professeur en chimie de l’environnement à l’université de Stockholm.

Zones d’ombre sur la toxicité

Avec une concentration de 2 900 ng/l, la Seine est le deuxième fleuve le plus pollué en TFA après l’Elbe. L’échantillon a été prélevé en avril au pied de Notre-Dame, non loin du futur site de baignade publique qui doit ouvrir à l’été 2025. De quoi s’inquiéter pour la santé des futurs nageurs, olympiques et quidam ? « Nager de temps en temps n’affectera pas les gens mais je recommanderais de ne pas se baigner régulièrement », conseille le toxicologue Jacob de Boer (Vrije Universiteit Amsterdam). « Sur la base des connaissances actuelles sur la toxicité du TFA, je ne m’inquiéterais pas de nager dans la Seine », juge de son côté Ian Cousins.

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