La saison des cerises est sur le point de s’achever en France. Elle aura été marquée, cette année, par une crise de grande ampleur, avec une offre sur le marché bien en deçà de ses niveaux de 2022 et une des prix très élevés sur les étals. Au 1er juin, la production était en baisse de 21 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années, selon les données statistiques du ministère de l’agriculture (Agreste), quand les prix étaient, eux, en hausse de près de 10 % sur un an, avec des cerises vendues parfois jusqu’à 20 euros le kilo. De quoi alimenter l’inquiétude des producteurs de cerises, implantés notamment en Auvergne-Rhône-Alpes, en Provence, et en Occitanie, qui subissent de plein fouet les ravages de la mouche Drosophila suzukii, arrivée d’Asie du Sud-Est il y a une dizaine d’années.
« On ne peut pas refaire une année comme celle que l’on est en train de vivre », a déclaré jeudi 6 juillet Benoît Nodin, le secrétaire général de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA), le syndicat majoritaire en Ardèche, à l’Agence France-Presse, à l’occasion d’une action coup de poing menée par des producteurs de cerises à Tournon-sur-Rhône, devant la sous-préfecture. Face à cette crise, le ministère de l’agriculture a répondu dans un communiqué entendre « la désespérance et la colère des producteurs » et être pleinement mobilisé pour « expertiser et documenter les pertes » et travailler à la mise en œuvre d’une réponse « sur le long terme ».
Introduite en Europe par bateau dès 2010, la Drosophila suzukii a pu proliférer loin de ses contrées d’origine grâce au réchauffement climatique, qui lui fournit les températures propices à sa survie et à sa reproduction. Cette mouche ravageuse, qui se développe à vitesse fulgurante lorsque le temps est humide et chaud, fait des trous dans les cerises et y pond ensuite ses œufs, laissant derrière elle une odeur de vinaigre qui rend impossible toute consommation future. Dès son introduction en France, plusieurs insecticides ont été employés pour la combattre, mais les deux plus puissants d’entre eux ont par la suite été interdits par l’Union européenne, le diméthoate en 2016, et le phosmet au début de 2022, en raison de risques majeurs pour la santé.
« La cerise devient un produit de luxe »
« L’arrêt du phosmet a été désastreux. Sur les volumes, il est clair qu’on ne s’y retrouve pas », se désole José Saqué, président du Syndicat de promotion de la cerise de Céret, qui a été contraint d’arracher trois hectares de cerisiers sur son exploitation cérétane depuis l’arrivée de la drosophile, en 2010. « Notre récolte est de 30 % inférieure à celle d’il y a deux ans », commente le producteur occitan. Des revendications partagées par de nombreux arboriculteurs, qui déplorent que les insecticides de substitution, à l’image de l’Exirel, aient une efficacité moindre. Sept ans plus tôt, des voix similaires s’étaient élevées contre l’interdiction du diméthoate, mais les données de production ont depuis démontré que celle-ci n’avait pas eu d’incidence sur les récoltes de cerises au cours des années suivantes. « Il est important de ne pas tomber dans l’explication simpliste en désignant le retrait du phosmet comme unique coupable des pertes de récoltes », rappelle aujourd’hui Nicolas Borowiec, chercheur à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et entomologiste, qui préfère évoquer « des causes multifactorielles ».
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