Paris 2024 : malgré le succès populaire du relais de la flamme, pourquoi les Français n’adhèrent-ils toujours pas aux Jeux olympiques ?

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Le surfeur Louka Tirilly de Vera, flamme olympique en main, et l’équipe de France de surf, le 7 juin 2024 à Plomeur (Finistère).

La flamme olympique s’est embarquée, vendredi 7 juin dans la soirée, pour son « relais des océans » vers les territoires ultramarins. Un flambeau est parti de Brest (Finistère) à bord d’un maxi-trimaran Ultim, à destination de la Guadeloupe et de la Martinique ; un autre – en avion – file vers la Guyane, La Réunion et la Polynésie française.

Tout au long de ce mois qui a suivi son arrivée triomphale sur le Vieux-Port de Marseille, première ville-étape en France, la flamme a suscité une grande ferveur populaire sur son passage. A Toulouse, dans la Vienne, ou encore en Gironde, le relais et les festivités programmées autour de l’événement ont attiré les foules, souvent bien au-delà des prévisions. Près de 1,2 million de personnes ont assisté au parcours de la flamme, a assuré, mardi, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin.

Pourtant, les Jeux olympiques (JO) peinent toujours à susciter l’intérêt des Français. Dans un sondage mené par l’Institut français d’opinion publique (IFOP), à la fin de mai – auprès d’un échantillon de 1 000 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus –, 39 % se disent indifférents aux JO. Près d’un tiers (37 %) décrivent leur état d’esprit par un mot explicitement négatif (« inquiet » ou « en colère »). Seules 13 % s’affichent enthousiastes, et 11 % satisfaits.

Ce contraste de perception entre le relais de la flamme et les JO ne surprend pas Patrick Mignon, sociologue du spectacle sportif : « L’organisation d’un événement local, à soi, est une occasion pour la France éloignée de la métropole parisienne d’être présente et de montrer qu’elle est en capacité d’accueillir », observe le chercheur.

« Une adhésion modérée »

Le public adhère à la mise en scène construite autour des porteurs et porteuses de la flamme. « Il y a énormément de personnalités populaires, issues de mondes très différents – scientifique, artistique, médiatique –, et que le public apprécie », estime Cécile Collinet, professeure en sociologie du sport à l’université Gustave-Eiffel, à Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne). Lors des précédentes éditions des JO, le côté spectacle ou expérience collective a ainsi provoqué davantage d’engagement que les épreuves sportives. Pour la sociologue, le relais de la flamme est à dissocier des JO sportifs, qui suscitent « une adhésion modérée » de l’ensemble de la population.

L’indifférence et l’hostilité peuvent être expliquées par « un contexte actuel politiquement et économiquement tendu, dans lequel les personnes relativisent l’importance de l’événement », estime la chercheuse. « Il y a un phénomène de mécontentement généralisé, qui alimente une forme de retrait et de réserve », analyse, de son côté, Patrick Mignon.

En France, on se méfie généralement des grands événements sportifs. Lorsque le pays organise la Coupe du monde de football en 1998, l’enthousiasme peine à se faire sentir au démarrage. « C’est monté progressivement, à partir du moment où les Bleus ont passé la phase de groupes, se remémore M. Mignon. On voit ce schéma à peu près pour toutes les compétitions. »

Le moment de bascule se fait lors des premières épreuves. Avec « l’effet médaille » ou devant des prestations intéressantes, le public commence à se passionner pour les performances sportives. « On passe à la vérité du sport », décrypte le sociologue.

Un « feel good effect »

Le spectacle prend alors le pas sur le reste. Des études ont démontré qu’un feel good effect (effet de contentement et de satisfaction) s’est déclenché au moment de précédentes éditions des JO. A Sydney (2000) et à Londres (2012), une augmentation du bien-être des populations et du sentiment d’unité nationale a été observée.

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Cependant, des franges de la population restent extérieures à la compétition, en particulier les personnes très éloignées de la pratique sportive et celles fragiles économiquement, qui ne font pas des spectacles sportifs leurs priorités.

Il n’y a pas non plus de garantie que l’événement emporte l’adhésion de toutes les personnes hostiles, en particulier celles qui vivent à côté des lieux d’épreuves, qui en subissent souvent le plus grand impact et qui les voient de la façon la plus négative. « Une fois que l’événement est là, il n’y a surtout plus d’espace pour les critiques », explique Mme Collinet.

La chercheuse insiste sur l’influence des médias sur l’opinion. « Pour l’instant, ce sont surtout des inquiétudes, notamment sécuritaires, qui sont très régulièrement relayées et qui peuvent être source d’angoisse. » Moins anxiogène, le relais de la flamme trouve davantage son public : « Le pouls de l’opinion est très sensible à cette mise en récit, qui varie selon les différents moments de l’événement. »

En 2020, Cécile Collinet a coréalisé une enquête sur l’opinion des Français sur les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, dont les résultats montraient que la compétition sportive suscitait un réel intérêt : 69,1 % des personnes y étaient favorables ; 30,9 %, défavorables. La sociologue estime important de reproduire son étude post-Jeux, à l’autonome 2024, tout en restant prudente sur ses hypothèses : « Ça dépendra de la manière dont se déroulera l’événement. Sans accrocs sécuritaires, avec toutes les ambitions remplies de la cérémonie d’ouverture en plein Paris et avec des victoires françaises, l’opinion sera meilleure », imagine-t-elle.

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