
C’est la tour de la discorde. Une tour en aluminium, destinée aux juges des Jeux olympiques (JO) et à quelques caméras. Avec ses fondations qui devront être forées dans le corail, elle concentre toutes les oppositions à Tahiti, où doivent se dérouler les épreuves de surf des JO de Paris 2024 : celles des écologistes, des surfeurs et même des pêcheurs locaux. Tous espéraient revoir la valeureuse tour en bois qui officie depuis deux décennies, pour les épreuves annuelles de la World Surf League (WSL) – le circuit mondial de surf – à Teahupoo. « Même pendant le “code rouge” en 2011, avec une série de vagues à 15 mètres, la tour a tenu », rappelle le surfeur tahitien Matahi Drollet, dont la vidéo contre la tour en aluminium, postée à la fin d’octobre sur Instagram, a étendu les protestations à l’international.
Jusqu’au mois dernier, les opposants se faisaient discrets. Les habitants du petit village de Teahupoo, sur la côte sud de la presqu’île de Taiarapu, avaient bien exprimé leur inquiétude lorsque Paris 2024 avait sélectionné leur emblématique vague – l’une des plus belles de la planète. Ils vivent au PK0, le point kilométrique zéro. Au-delà, il n’y a plus de route. Leur village, c’est le bout du monde. La Polynésie authentique, loin des embouteillages de Papeete. Une vie rurale, entre le fa’a’apu (agriculture) et la pêche, en mer et dans le lagon. Ils avaient promptement été rassurés par le Comité d’organisation des JO (Cojop) : les travaux seraient respectueux de leur environnement, rien ne viendrait dénaturer leur village.
L’isolement de Teahupoo a tout de même contraint à quelques coups de canif dans les engagements écologiques des Jeux : les athlètes seront ainsi logés dans un navire de croisière mouillant dans la baie de Vairao, à quelques encablures de l’emblématique vague. Faute d’hôtel à proximité, cette solution était la seule en mesure de proposer un hébergement à moins de quarante-cinq minutes du site de compétition, ce qu’exige le cahier des charges des JO.
A Teahupoo, « tout le monde est pour les Jeux »
Et puis il y a eu la tour. L’ancienne n’était pas aux normes olympiques ; la nouvelle devait disposer d’une salle climatisée pour les serveurs, de la fibre optique, de toilettes et de conduites dans le lagon pour l’évacuation de celles-ci. Seulement, cette tour est plus haute et deux fois plus lourde que la précédente. Il lui faut donc des bases plus solides, creusées dans le corail. Les surfeurs craignent une destruction irrémédiable du relief sous-marin qui façonne leur vague. Si le corail est attaqué, les pêcheurs redoutent la ciguatera, une maladie transmise par les poissons du lagon. Plusieurs centaines d’habitants de la presqu’île ont manifesté le 15 octobre contre la nouvelle tour.
Il vous reste 65% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.