
En milieu d’après-midi, lundi 24 juillet, la foudre s’est brutalement abattue sur le complexe aquatique du Marine Messe de Fukuoka (sud-ouest de l’archipel japonais), qui accueille les championnats du monde de natation jusqu’à dimanche. Quelques heures plus tard, Maxime Grousset faisait une longueur de bassin en espérant nager à la vitesse de l’éclair. Mais le Français s’est montré trop tempétueux en fin de course et décroche finalement le bronze sur 50 mètres papillon en 22 secondes et 82 centièmes, derrière l’Italien Thomas Ceccon (22 secondes et 68 centièmes) et le Portuguais Diogo Matos Ribeiro (22 secondes et 80 centièmes).
Au lendemain du titre retentissant de champion du monde du 400 mètres 4 nages de Léon Marchand – en effaçant l’ultime record que détenait la légende américaine Michael Phelps –, son compatriote de 24 ans a, lui aussi, réussi son entrée en lice malgré une médaille au petit goût amer. « Je suis forcément un peu déçu, je fais deux courses en terminant premier et je pense que j’aurais pu faire une meilleure touche, ça m’arrive souvent, c’est dommage que ce soit maintenant. Mais on ne va pas cracher sur une médaille mondiale, la troisième pour moi, pas la dernière j’espère… », a réagi le Français à sa sortie du bassin.
Le protégé de Michel Chrétien était entré tambour battant dans sa compétition, en améliorant son record de France dès les séries dimanche matin (22 secondes et 74 centièmes), le ratiboisant de seize centièmes, subtilisant au passage le record de France, propriété depuis 2009 de Frédérick Bousquet, égalé par Florent Manaudou lors de son titre mondial en 2015. « Et je ne compte pas m’arrêter là », avait prévenu, sourire en coin, ce faux dilettante, en sortant du bassin. Sans forfanterie : le grand costaud (1,92 mètre pour 92 kilos) a remis ça en demi-finale dimanche soir, avec un chrono cette fois de 22 secondes et 72 centièmes, rien de moins que la huitième meilleure performance de tous les temps.
« C’est bien payé pour 3 % d’entraînement sur cette nage »
« C’est cool », réagissait le nageur après sa demi-finale, avec son flegme habituel et son style aussi expéditif que ses battements d’ailes sur l’eau. Grousset avait pourtant des raisons de verser un peu plus dans l’emphase. Avant la finale et la performance de l’Italien Ceccon, seul le Russe Oleg Kostin avait nagé plus vite que lui cette saison (22 secondes et 62 centièmes). Mais ce dernier est absent des championnats du monde de Fukuoka, comme tous ses compatriotes et les nageurs biélorusses – ils sont bannis depuis l’invasion de l’Ukraine, en février 2022.
En finale lundi soir, le chrono de Grousset réalisé en demi-finale lui aurait valu une médaille d’argent. « Vu ce qu’il avait fait en séries et en demies, ça annonçait une belle perf en finale, il lui a tout simplement manqué l’expérience en 50 pap’. Comme je lui ai dit, une médaille de bronze, c’est bien payé pour 3 % d’entraînement en pap’… », commente le truculent coach du Français, Michel Chrétien, allusion au fait que son nageur ne s’aventure pratiquement jamais sur cette nage à l’entraînement.
Grousset avait hérité de la pancarte de « grand favori » d’une course sur laquelle on ne l’attendait pas forcément, contrairement au 100 mètres nage libre ou au 50 mètres nage libre, dont les finales sont prévues respectivement jeudi et samedi. Aux derniers Mondiaux, à Budapest, en juin 2022, le sprinteur avait décroché l’argent sur la course reine et le bronze sur l’aller simple. « C’est un sprinteur certes, mais, le 50 pap’, il faut en répéter, poursuit le coach de l’Insep. Il s’est vraiment énervé dans les derniers quinze mètres alors qu’il aurait dû rester en propulsion comme depuis le début, mais il en voulait tellement… »
Aux championnats d’Europe, à Rome, en août 2022, le Français avait déjà été médaillé, en argent cette fois, sur cette épreuve qui compte presque pour du beurre puisqu’elle ne figure pas au programme des Jeux olympiques. « Si je suis champion du monde, tant mieux. Mais c’est du bonus. Je suis là pour entrer dans la compétition », résumait Grousset après sa demi-finale.
De l’appétit à revendre
A Fukuoka, le nageur de 24 ans espère pouvoir concilier le 50 mètres nage libre et le 100 mètres papillon, dont les finales sont prévues samedi, à seulement trente-trois minutes d’écart. Faut-il privilégier une épreuve aux dépens de l’autre ou bien emmagasiner de l’expérience en enchaînant les deux, au risque de passer à côté d’une médaille ? « On va attendre le 100 [mètres nage] libre, car c’est sa course, mais il ne faut pas qu’on se laisse embarquer par la subjectivité, insiste Chrétien. On va opérer les choix avec beaucoup de pragmatisme, en tenant compte de l’adversité et de sa capacité à récupérer. »
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Quoi qu’il arrive, le nageur de Michel Chrétien a de l’appétit à revendre : avec les relais, il pourrait être amené à plonger à seize reprises cette semaine. « Quand on aime, on ne compte pas ! », rigolait ce compétiteur-né, samedi, à la veille du début des Mondiaux.
Ce n’est pas un marathon aquatique qui va effrayer ce grand gaillard qui ne craint pas de braver les requins-tigres et les requins-bouledogues quand il retourne plonger ou faire du surf dans les lagons de Nouvelle-Calédonie, son île natale.