
A le voir le visage fermé, chancelant sur son vélo, difficile d’imaginer qu’Egan Bernal fut, dans un passé pas si lointain, désigné comme celui qui pourrait venir jouer les trouble-fêtes sur le Tour de France dans le duel opposant le Danois Jonas Vingegaard, le vainqueur sortant, au Slovène Tadej Pogacar, maillot jaune à Paris en 2020 et 2021.
Avant le départ de la 110e édition de l’épreuve, le 1er juillet, à Bilbao (Espagne), le coureur de l’équipe britannique Ineos Grenadiers avait lui-même exprimé de très prudentes ambitions pour cette Grande Boucle : « ne pas perdre de temps lors de la première semaine » et, surtout, terminer le premier grand Tour qu’il dispute depuis l’accident qui a failli lui coûter la vie, le 24 janvier 2022.
Le Colombien a déjà renoncé à l’une d’elles. Le 10 juillet, alors que le peloton profitait d’une journée de repos dans le Massif central après neuf étapes éreintantes, il accusait déjà trente-quatre minutes et trente-deux secondes de retard sur le maillot jaune, Vingegaard. Mardi 18 juillet, à l’heure de disputer le contre-la-montre individuel, il pointe désormais à une heure trente-six minutes et trente-six secondes du Danois de la Jumbo-Visma.
« J’essaie d’être positif, expliquait l’intéressé en conférence de presse, avant le coup d’envoi du Tour. J’aimerais retrouver le niveau que j’avais avant, me mesurer aux meilleurs. C’est pour ça que je suis toujours dans le cyclisme. Je me réveille tous les jours avec cet objectif en tête ! »
En 2019, Egan Bernal est devenu, à 22 ans, le plus jeune coureur à s’imposer sur l’épreuve depuis cent dix ans. D’aucuns lui promettaient alors un destin de grand champion. Le Colombien serait le nouveau fer de lance de Team Sky (aujourd’hui Ineos Grenadiers), machine à gagner qui écrasait le Tour depuis 2012, remportant toutes les éditions de la course, sauf celle de 2014. Son éclosion coïncidait avec le début du déclin du leader de l’équipe, le Britannique Chris Froome, quatre fois maillot jaune à Paris (2013, 2015, 2016, 2017).
Un abandon en 2020, un Giro l’année suivante
L’année suivante, pourtant, il ne voit même pas les Champs-Elysées, abandonnant avant le départ de la 17e étape, entre Grenoble et le col de la Loze (Isère). La faute à des problèmes de dos récurrents. Et aussi à l’émergence de la formation Jumbo-Visma, bien décidée à disputer à son équipe le statut de métronome du peloton. Enfin, à l’entrée en scène d’un prodige jusqu’alors inconnu du grand public : Tadej Pogacar.
Le contexte est particulier : crise sanitaire oblige, la Grande Boucle se joue en septembre, et la préparation des coureurs a été chamboulée par le confinement. Pas de quoi, donc, remettre en cause le statut de Bernal. D’autant que l’année suivante celui-ci termine le Tour d’Italie avec la maglia rosa, le maillot rose du vainqueur au classement général.
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