Une cruche grecque dans la tombe d’un prince celte mort vers 450 av. J.-C.

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L’œnochoé, un vase issu de la tombe princière de Lavau, en restauration dans les ateliers du Centre de recherche et de restauration des musées de France, dans le Pavillon de Flore du palais du Louvre.

Aujourd’hui, dans ce bout de ZAC de la périphérie nord-est de Troyes, on trouve une boulangerie, un restaurant et un hôtel qui se sont posés sur ce qui était, il y a dix ans encore, une parcelle agricole. Mais si l’on remonte beaucoup plus loin dans le temps, le lieu était occupé par un immense tumulus de 40 mètres de diamètre surmontant la chambre funéraire d’un prince celte. Une tombe restée inviolée pendant deux millénaires et demi, une des plus belles découvertes archéologiques de ce début de XXIe siècle.

  • Le prince ou la princesse  du Ve siècle avant J.-C. exhumé à Lavau (Aube) arborait plusieurs bijoux en or massif, dont un torque de plus de 500 g, plus lourd que celui de la princesse de Vix (Côte-d'Or).

    Le prince ou la princesse du Ve siècle avant J.-C. exhumé à Lavau (Aube) arborait plusieurs bijoux en or massif, dont un torque de plus de 500 g, plus lourd que celui de la princesse de Vix (Côte-d’Or). Denis Gliksman/ Inrap

  • Le défunt, de sexe encore indéterminé, portait un bracelet d'or à chaque poignet, tandis que son biceps gauche était ceint d'un brassard en lignite.

    Le défunt, de sexe encore indéterminé, portait un bracelet d’or à chaque poignet, tandis que son biceps gauche était ceint d’un brassard en lignite. Denis Gliksman / © Denis Gliksman, Inrap

  • Allongé au centre de la tombe, tête au sud, le défunt repose avec son char à deux roues, un mode d'inhumation commun entre la fin de la période dite de « Hallstatt » et le début de celle de La Tène, dans ce quart nord-est de la France.

    Allongé au centre de la tombe, tête au sud, le défunt repose avec son char à deux roues, un mode d’inhumation commun entre la fin de la période dite de « Hallstatt » et le début de celle de La Tène, dans ce quart nord-est de la France. Denis Gliksman / © Denis Gliksman, Inrap

  • L'absence d'arme, notamment d'épée, suggère qu'il pourrait s'agir d'une princesse. Plusieurs perles d'ambre finement travaillées, évoquant un collier ou des bijoux de cheveux, ont été trouvés près de sa nuque.

    L’absence d’arme, notamment d’épée, suggère qu’il pourrait s’agir d’une princesse. Plusieurs perles d’ambre finement travaillées, évoquant un collier ou des bijoux de cheveux, ont été trouvés près de sa nuque. Denis Gliksman / © Denis Gliksman, Inrap

  • La découverte du squelette a été précédée pendant l'hiver de la mise au jour d'un mobilier de bronze d'origine méditerranéenne.

    La découverte du squelette a été précédée pendant l’hiver de la mise au jour d’un mobilier de bronze d’origine méditerranéenne. Denis Gliksman /Inrap

  • Ce chaudron de bronze d’environ un mètre de diamètre, finement ouvragé, et dont les quatre anses sont ornées de têtes cornues du dieu grec Achéloos, est la pièce majeure des vestiges sortis de terre.

    Ce chaudron de bronze d’environ un mètre de diamètre, finement ouvragé, et dont les quatre anses sont ornées de têtes cornues du dieu grec Achéloos, est la pièce majeure des vestiges sortis de terre. Denis Gliksman/ Inrap

  • Plusieurs autres éléments de mobilier de bronze ont aussi été retrouvés dans la tombe.

    Plusieurs autres éléments de mobilier de bronze ont aussi été retrouvés dans la tombe. Denis Gliksman / © Denis Gliksman, Inrap

  • Ce vase à boire, de fabrication grecque – ou œnochoe – retrouvé dans le chaudron, est une pièce sans équivalent. Cette céramique attique à figures noires, utilisée pour prélever le vin dans le chaudron au cours du banquet, est rehaussée, à son pied et à sa lèvre, d’une tôle d’or finement travaillée.

    Ce vase à boire, de fabrication grecque – ou œnochoe – retrouvé dans le chaudron, est une pièce sans équivalent. Cette céramique attique à figures noires, utilisée pour prélever le vin dans le chaudron au cours du banquet, est rehaussée, à son pied et à sa lèvre, d’une tôle d’or finement travaillée. Denis Gliksman /Inrap

  • La fouille avait débuté par le dégagement d'un tertre, érigé au-dessus du caveau du prince. Il réunissait les structures funéraires antérieures dans un même ensemble d’une emprise d’environ 7 000 m2, ceinturé par un profond fossé et une palissade.

    La fouille avait débuté par le dégagement d’un tertre, érigé au-dessus du caveau du prince. Il réunissait les structures funéraires antérieures dans un même ensemble d’une emprise d’environ 7 000 m2, ceinturé par un profond fossé et une palissade. Denis Gliksman /Inrap

Au départ, la fouille menée sur la commune de Lavau par l’Institut national de recherches archéologiques préventives devait durer deux mois. Mais, devant son caractère exceptionnel, elle s’est étalée d’octobre 2014 à avril 2015, sous la conduite de l’archéologue Bastien Dubuis. Pour bien étudier la dernière demeure et le matériel funéraire de celui que l’on appelle désormais le prince de Lavau.

« On a les trois attributs qui caractérisent le fait princier au Ve siècle avant notre ère, explique Bastien Dubuis. Un char, à deux roues ; une parure en or avec un torque, des bracelets, une fibule dorée ; de la vaisselle d’importation. » De la vaisselle pour manger, avec deux grosses assiettes en bronze et un couteau de cérémonie qui a pu servir pour partager la viande. Et de la vaisselle luxueuse pour boire : un grand chaudron en bronze où l’on mélangeait le vin avec différents aromates ; une œnochoé, cruche grecque à décor peint qui servait à puiser le vin et à le distribuer ; une passoire en or et en argent – métal très rare au nord des Alpes à cette époque – qu’on utilisait pour filtrer la boisson ; un gobelet dont ne subsiste plus que le pied en métal précieux ; une exquise petite cuillère, perforée de petits trous, qui servait peut-être à récupérer des éléments végétaux fins dans le gobelet.

« Customisé » à la mode celtique

« Produite vers 500 avant notre ère, l’œnochoé attique n’aurait pas grande valeur dans sa région d’origine, fait remarquer Bastien Dubuis. Mais ici, c’est un vase rare, exotique et précieux. Il a été “customisé” à la mode celtique avec des rehauts d’or et d’argent pour mettre en valeur la scène peinte. » Où l’on voit Dionysos face à un personnage féminin, sans doute Ariane. Comme le vin, le vase est importé. Tous deux symbolisent les échanges commerciaux importants entre le nord de l’Europe et le monde méditerranéen, qui suivent alors la vallée de la Seine. Route du vin, de l’étain, du fer, de l’ambre, des esclaves et peut-être aussi de la réputée charcuterie celte. Qui contrôle cet axe s’assure pouvoir et richesse.

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