Aujourd’hui, dans ce bout de ZAC de la périphérie nord-est de Troyes, on trouve une boulangerie, un restaurant et un hôtel qui se sont posés sur ce qui était, il y a dix ans encore, une parcelle agricole. Mais si l’on remonte beaucoup plus loin dans le temps, le lieu était occupé par un immense tumulus de 40 mètres de diamètre surmontant la chambre funéraire d’un prince celte. Une tombe restée inviolée pendant deux millénaires et demi, une des plus belles découvertes archéologiques de ce début de XXIe siècle.
Au départ, la fouille menée sur la commune de Lavau par l’Institut national de recherches archéologiques préventives devait durer deux mois. Mais, devant son caractère exceptionnel, elle s’est étalée d’octobre 2014 à avril 2015, sous la conduite de l’archéologue Bastien Dubuis. Pour bien étudier la dernière demeure et le matériel funéraire de celui que l’on appelle désormais le prince de Lavau.
« On a les trois attributs qui caractérisent le fait princier au Ve siècle avant notre ère, explique Bastien Dubuis. Un char, à deux roues ; une parure en or avec un torque, des bracelets, une fibule dorée ; de la vaisselle d’importation. » De la vaisselle pour manger, avec deux grosses assiettes en bronze et un couteau de cérémonie qui a pu servir pour partager la viande. Et de la vaisselle luxueuse pour boire : un grand chaudron en bronze où l’on mélangeait le vin avec différents aromates ; une œnochoé, cruche grecque à décor peint qui servait à puiser le vin et à le distribuer ; une passoire en or et en argent – métal très rare au nord des Alpes à cette époque – qu’on utilisait pour filtrer la boisson ; un gobelet dont ne subsiste plus que le pied en métal précieux ; une exquise petite cuillère, perforée de petits trous, qui servait peut-être à récupérer des éléments végétaux fins dans le gobelet.
« Customisé » à la mode celtique
« Produite vers 500 avant notre ère, l’œnochoé attique n’aurait pas grande valeur dans sa région d’origine, fait remarquer Bastien Dubuis. Mais ici, c’est un vase rare, exotique et précieux. Il a été “customisé” à la mode celtique avec des rehauts d’or et d’argent pour mettre en valeur la scène peinte. » Où l’on voit Dionysos face à un personnage féminin, sans doute Ariane. Comme le vin, le vase est importé. Tous deux symbolisent les échanges commerciaux importants entre le nord de l’Europe et le monde méditerranéen, qui suivent alors la vallée de la Seine. Route du vin, de l’étain, du fer, de l’ambre, des esclaves et peut-être aussi de la réputée charcuterie celte. Qui contrôle cet axe s’assure pouvoir et richesse.
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