L’étrange vase en forme de bovidé des premiers agriculteurs

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Vase en forme de taureau ou d’aurochs, datant de 4700 à 4600 av. J.-C., trouvé à Aubevoye (Eure).

Quand la machine à remonter le temps qu’est l’archéologie s’enfonce dans le passé le plus lointain, le mou et l’organique disparaissent. On pourrait dire, dans un jeu de mots facile, que seul le dur dure : parois des grottes, ossements, silex taillés, menhirs, parures en coquillage… Alors que reste-t-il des populations venues de l’est de l’Europe au début du néolithique, arrivées dans ce finistère continental qu’est la France ? Que reste-t-il de leurs villages ? Des trous de poteaux. De simples marques dans le sol.

C’est ce que, en 2003, Caroline Riche, responsable d’opération à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), a d’abord découvert à Aubevoye (aujourd’hui Le Val-d’Hazey, dans l’Eure), lors d’une fouille préalable à l’extension d’une ZAC. Situé à 500 mètres de la Seine et datant de 4700 à 4600 av. J.-C., « le site est une sorte de hameau composé de six bâtiments dont ne nous restent que les traces des anciens poteaux. C’étaient de grandes maisons en bois et en torchis, de forme rectangulaire allongée, et le plan des poteaux en donne les limites ainsi que la disposition des pièces », précise l’archéologue. Le long des parois, qui pouvaient mesurer près de 40 mètres, se trouvent des fosses où l’on a d’abord prélevé du limon pour faire le torchis et qui sont devenues ensuite des zones de rejet.

Bien souvent, en archéologie, les dépotoirs parlent plus que l’habitat, et c’est le cas à Aubevoye. « On y a retrouvé ce qui résiste au temps, dit Caroline Riche. Des fragments de céramique, des silex taillés, des restes de faune. Le bœuf est prédominant, le porc arrive en deuxième suivi par des caprins. Ces gens étaient sédentaires, des agriculteurs-éleveurs, mais cela ne les empêchait pas de chasser ou de pêcher. L’aurochs et le renard s’ajoutaient à leur menu. »

Mise en place d’un tissu social

En fouillant l’une de ces fosses, les archéologues tombent sur deux ensembles de fragments de céramique, soixante-quatre au total. « Au début, on n’a pas compris ce qu’on avait trouvé », reconnaît Caroline Riche. C’est seulement après un remontage des morceaux, semblable à un puzzle en 3D, qu’est apparu un étonnant vase zoomorphe, représentant un bovidé mâle – taureau ou aurochs – portant des décorations faites au peigne. « Il n’y a pas d’autre exemplaire en France d’un vase zoomorphe aussi bien conservé, précise la spécialiste du néolithique. Il en existe en Allemagne, en Bohême et en Moravie. »

Lire aussi l’archive (2017) : Article réservé à nos abonnés « La révolution néolithique n’a pas de comparaison dans l’histoire »

Ce vase n’était pas un déchet mais, selon toute vraisemblance, un dépôt, peut-être rituel, peut-être lié à la symbolique du taureau. Il s’avère ardu de percer l’univers culturel de ces populations du début du néolithique. Toutefois, l’organisation de ces premiers villages montre que « tout un tissu social se met en place, qui n’a plus rien à voir avec les chasseurs-cueilleurs, souligne Caroline Riche. On gère l’eau, le bétail. On est dans le début de la maîtrise de l’environnement, avec des populations assez égalitaires. » A Aubevoye, il n’y a pas de fossés de protection autour du village ni de remparts. Tensions et agressions viendront plus tard.

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