Le propulseur au faon, héritage des chasseurs-cueilleurs d’il y a 23 000 ans

0 Shares
0
0
0
Le propulseur au faon de la grotte du Mas d’Azil, en Ariège.

La génération née au début du siècle a parfois du mal à imaginer ce monde pourtant pas si lointain – mais sans smartphone – dans lequel ont grandi ses parents. A cette aune, on mesure mieux la difficulté qu’il y a à se projeter seize ou dix-sept millénaires en arrière, à une période où le climat commence à se réchauffer après le dernier maximum glaciaire. On est au magdalénien, une des dernières cultures de chasseurs-cueilleurs du paléolithique.

Tentez de vous imaginer parmi ces « nomades qui poursuivent les grands troupeaux d’herbivores, notamment de rennes. Ce sont des gens qui circulent lors de la belle saison, explique Pierre Cattelain, directeur scientifique du Musée du Malgré-Tout, musée d’archéologie situé à Viroinval, en Belgique. Mais, en hiver, ils font des campements beaucoup plus longs, comme les Amérindiens des plaines ou les Inuits. On vit près de ses réserves pendant quelques mois, dans des entrées de grottes relativement lumineuses. »

La grotte du Mas-d’Azil, dans l’Ariège, est de celles-là. Des fouilles y ont lieu dès la seconde moitié du XIXe siècle et elles reprennent à la fin des années 1930 sous l’impulsion d’un couple, Saint-Just et Marthe Péquart. « L’histoire est un peu douloureuse, reconnaît Pierre Cattelain. C’étaient d’excellents préhistoriens, mais très à droite, et Saint-Just Péquart a été fusillé à la Libération. » Avant cela, au Mas-d’Azil, en 1939-1940, les Péquart travaillent dans la galerie dite « du Silex », encore inexplorée, et y découvrent un magnifique propulseur en bois de renne délicatement sculpté. Y est représenté ce qui semble être un jeune caprin, peut-être un isard, sur la croupe duquel deux oiseaux se becquettent. Habilement, la queue d’un des volatiles forme le crochet qui servait à bloquer la sagaie. L’objet est donc baptisé « propulseur au faon ».

Une scène de mise bas ?

Mais qu’est-ce qu’un propulseur ? Il s’agit d’une baguette qui sert de rampe de lancement pour sagaie : « Le propulseur allonge la main, précise Pierre Cattelain. Il permet de donner une impulsion accélérée au moment du tir. On augmente très fortement la vitesse initiale » du projectile par effet de levier. Cet armement de chasse est attesté il y a 23 000 ou 24 000 ans. Ceux qui ont été fabriqués en bois ont disparu, et seules subsistent les baguettes en os, en ivoire ou en bois de renne. Le propulseur du Mas-d’Azil fait l’objet d’un débat, car, de l’arrière-train de l’animal, sort quelque chose de curieux. « Cela a été interprété au début comme une scène de défécation », rappelle Pierre Cattelain. Mais rien ne correspond et il s’agit plus sûrement d’une mise bas ! Le propulseur au faon est donc sans doute un propulseur à la biche…

Il vous reste 16.01% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

source

0 Shares
Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

You May Also Like