Société savante ou relais de l’industrie agrochimique : le trouble jeu de l’Académie d’agriculture

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Un agriculteur fertilise un champ, à Saint-Père-en-Retz (Loire-Atlantique), en octobre 2021.

L’Académie d’agriculture de France a-t-elle servi de blanchisseuse au lobbying de l’industrie agrochimique ? La question est posée, en substance, par plusieurs chercheurs du monde académique après que la société savante, fondée en 1761, a adressé sa contribution au futur projet de loi d’orientation agricole, en cours d’élaboration. En cause, la série de recommandations remises à Marc Fesneau, le ministre de l’agriculture, fin mai sur papier à en-tête de l’Académie, visant à privatiser le secteur du conseil agricole.

Dans la communauté scientifique, ces recommandations suscitent la réprobation sur le fond, et l’indignation sur les conditions de leur rédaction : elles proviennent d’un groupe de travail dominé par d’anciens hauts cadres de l’industrie agrochimique et des consultants, où aucun spécialiste du conseil agricole ne siégeait. Plus surprenant encore, la contribution transmise par l’Académie d’agriculture ne forme pas un avis formel de la société savante, qui aurait nécessité l’examen et le vote des académiciens. « C’est une contribution de l’Académie au projet de loi, portée par le secrétaire perpétuel et le bureau [l’organe exécutif de la société savante], mais seuls les “avis” engagent l’Académie », répond Constant Lecœur, son secrétaire perpétuel.

La question abordée est cruciale. Le conseil technique est un levier majeur pour influer sur les pratiques agricoles, en particulier réduire ou non l’usage des intrants. Il est assuré en France par une diversité d’acteurs, notamment publics ou parapublics comme les chambres d’agriculture, les instituts techniques ou encore des associations. « En 2018, la loi Egalim a interdit aux acteurs économiques qui vendent des pesticides de fournir également des services de conseil aux exploitants, explique M. Lecœur. C’est pour répondre à cette situation nouvelle et pour aider les agriculteurs à opérer la transition agroécologique que nous avons souhaité contribuer au projet de loi d’orientation agricole, notamment sur la question du conseil. »

Des conséquences « extrêmement néfastes »

Les scientifiques travaillant sur le sujet ne sont pas convaincus. « Les questions abordées dans cette note sont au cœur d’une importante littérature scientifique, explique Catherine Laurent, directrice de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). Des dizaines d’articles de recherche indiquent que la privatisation du système, telle que préconisée dans cette note, dégrade la qualité du conseil et exclut les exploitants les plus fragiles. Il est stupéfiant de constater que toute cette connaissance est simplement ignorée. »

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