Pour la première Journée nationale sur les troubles neurovisuels chez l’enfant, 150 soignants et professionnels de la petite enfance − dont une écrasante majorité de femmes − se sont retrouvés le 16 juin à Paris, tandis que plus de 250 autres suivaient en ligne la formation organisée par l’association Les Yeux dans la tête.
Les troubles neurovisuels concerneraient 5 % des enfants, selon les estimations reprises par la directrice de recherche au CNRS Sylvie Chokron (chroniqueuse au cahier « Science & médecine »), soit un par classe en moyenne. Mais ils sont rarement dépistés et souvent à l’origine de diagnostics erronés. « Ils sont tombés dans un vide clinique entre l’ophtalmologie et la neurologie », constate-t-elle.
Ces troubles de la vision peuvent affecter le champ visuel, la reconnaissance ou encore l’attention et la mémoire visuelles. Par exemple, une tache aveugle dans le champ visuel combinée aux milliers de mouvements des yeux par minute entraîne une image morcelée du monde qui crée des difficultés à reconnaître les formes, les objets, les visages, les émotions, les gestes.
La responsable est une lésion entre le chiasma optique (lieu de croisement des deux nerfs optiques pour que le champ visuel droit soit interprété par l’hémisphère cérébral gauche et inversement) et le cortex. En conséquence, la vision est affectée, alors que l’appareil oculaire − les yeux − sont intacts. Ce qui peut aboutir à une situation où « le patient ne voit pas et le médecin ne voit rien », résume Sylvie Chokron. Chez les enfants, cette lésion est souvent retrouvée après des conditions de naissance difficiles, par exemple dans un contexte d’insuffisance respiratoire ou de prématurité.
Difficultés d’apprentissage
Sachant que 80 % de l’acquisition des connaissances pendant les premières années de la vie recourent à la vue, les troubles neurovisuels peuvent être à l’origine ou associés à d’autres troubles neurodéveloppementaux en lien avec des difficultés d’apprentissage, comme la dyspraxie, la dyslexie ou la dyscalculie. Ils peuvent être aussi un marqueur précoce de troubles du spectre autistique.
« Penser aux troubles neurovisuels, ça change une vie », martèle l’ophtalmologue Laurent Laloum, qui rappelle que l’efficacité visuelle n’est pas une question d’intelligence. « Je vois des enfants en échec scolaire grave à cause de troubles neurovisuels, et qui, lorsqu’on les rééduque, apprennent à lire en quelques mois ! », poursuit-il.
C’est le cas de Joseph, « un immense lecteur » aujourd’hui âgé de 15 ans et dont la mère témoigne de l’errance médicale : « Entre ses 3-4 ans et ses 8 ans, on a fait quatre services hospitaliers, huit neurologues, des pédiatres… et ils avaient tous des diagnostics différents », raconte Nathalie Villeneuve. Il change aussi quatre fois d’école avant un diagnostic de troubles visuels massifs. Pris en charge à 12 ans par l’équipe de Sylvie Chokron, « il a appris à lire en dix-huit mois avec une méthode adaptée », déclare sa mère.
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