Comment des « gènes sauteurs » sont passés d’une espèce animale à une autre

0 Shares
0
0
0

On les nomme « gènes sauteurs » ou « transposons ». Ces petits fragments d’ADN, ultramobiles, voyagent très librement au sein des génomes, ou d’un génome à l’autre. Beaucoup peuvent aussi se reproduire et se disperser dans cet univers génomique.

Franchissant allègrement les frontières entre espèces, ces globe-trotteurs sont de puissants moteurs de l’évolution. En se déplaçant puis en s’insérant dans de nouveaux sites des génomes, ils peuvent modifier en profondeur l’activité des gènes, créer de nouvelles fonctions cellulaires, assurer un transfert de gènes entre espèces. Bref, « ils apportent une très grande plasticité aux génomes des êtres vivants », explique Gael Cristofari, de l’université Côte d’Azur (CNRS-Inserm), à Nice. Ils ont notamment contribué, liste le chercheur, « à l’apparition de l’immunité acquise, et à l’invention du placenta et d’une protéine des synapses », ces zones de jonction entre neurones qui rendent les cerveaux si malléables et adaptables. Excusez du peu.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le grand atlas de notre génome enfin complet – ou presque

A force de se multiplier, ces gènes sauteurs deviennent envahissants. « La moitié du génome humain est ainsi formée d’éléments mobiles », relève Cedric Feschotte, professeur de génétique à l’université Cornell, dans l’Etat de New York. Ou, plus exactement, de « reliques d’éléments mobiles », ajoute-t-il, car 99 % d’entre eux, jadis itinérants, ont fini par se sédentariser.

Mais comment certains gènes sautent-ils d’une espèce à une autre ? Une partie de l’énigme est dévoilée dans la revue Science du 29 juin. Le héros de l’affaire ? Un vecteur hybride, nommé Maverick, qui est « un chaînon manquant entre les virus et les transposons », relève le chercheur new-yorkais et un de ses découvreurs en 2005. Cet ADN vagabond, en effet, a permis un transfert de gènes entre deux espèces de vers nématodes aussi éloignées que l’espèce humaine l’est des poissons.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Les parts d’ombre du génome humain

Cette découverte a été faite « totalement par hasard », admet Sonya Widen, première autrice de ce travail mené par une équipe de l’université de Vienne. Les auteurs s’intéressaient à une autre curiosité évolutive, présente chez un petit ver nématode, Caenorhabditis briggsae. En l’occurrence, un couple de gènes qui permet la production à la fois d’une protéine toxique pour le ver et de son antidote (une antitoxine). « C’est un système parasite et égoïste, car il œuvre à sa propre diffusion, sans apporter de bénéfices à ses hôtes », note Cedric Feschotte.

Des gènes pirates

En enquêtant sur l’origine de ces gènes pirates, les chercheurs ont eu la surprise de les retrouver, quasi à l’identique, chez une autre espèce de ver nématode, C. plicata, alors même que celle-ci s’est séparée de C. briggsae il y a des dizaines de millions d’années. « Ces gènes apparaissent bien trop similaires pour résulter d’un phénomène d’évolution convergente, survenu indépendamment dans les deux espèces », affirme Gael Cristofari. Deuxième surprise, chez C. plicata, ces gènes sont insérés dans un élément Maverick. C’est l’indice-clé qui a permis aux chercheurs de remonter cette piste.

Il vous reste 53.53% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

source

0 Shares
Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

You May Also Like