
Stations arctiques désertées par leurs habituels hôtes étrangers, programmes spatiaux réduits à la portion congrue, coopérations universitaires à l’arrêt, transferts de technologies interdits… Un an et demi après le début de la guerre en Ukraine, le vaste champ des coopérations scientifiques entre la Russie et l’Occident ressemble à un paysage de désolation. Et de larges pans de la recherche russe voient leur avenir menacé.
Le ton avait été donné dès le déclenchement de l’invasion russe, le 24 février 2022, avec la fin immédiate de quelques programmes majeurs : fin de la participation du Massachusetts Institute of Technology (MIT) dans le projet Skoltech (l’Institut de sciences et de technologies de Skolkovo) ; suspension pour les partenaires russes du programme de la Commission européenne Horizon 2020, doté de 80 milliards d’euros ; exclusion de tous les Russes des programmes du CERN ; annulation du Congrès international de mathématiques prévu à Saint-Pétersbourg…
En clair, rien de moins qu’un nouveau « rideau de fer », selon l’expression de nombreux acteurs du secteur, au travers duquel ne semblaient pouvoir passer que les cohortes de chercheurs fuyant la Russie.
Pour autant, Sergueï Popov, l’un des astrophysiciens les plus célèbres de Russie, nuance légèrement ce tableau apocalyptique : « Toutes les bourses pour de nouveaux projets communs ont disparu. Mais pour les projets de taille plus modeste, les liens sont souvent informels et interpersonnels, et ils ont été préservés. Tant que c’est techniquement possible, le travail collectif se poursuit. »
Le cas de Sergueï Popov en dit toutefois long sur l’ampleur de la coupure entre les deux mondes. Dès le mois de février 2022, le scientifique a publiquement clamé son opposition à la guerre, avant de quitter la Russie et de s’établir en Italie. Cela n’a pas empêché des institutions européennes d’interdire à leurs chercheurs de signer des articles avec lui, du fait de son affiliation à l’université d’Etat de Moscou.
Celle-ci, comme l’intégralité des universités russes, a dû exprimer sa loyauté au Kremlin après le début de la guerre, rendant les choses impossibles aux derniers instituts européens qui espéraient poursuivre leur travail avec des partenaires russes.
Pour ceux qui sont restés en Russie, l’isolement est tout aussi perceptible. « Nous n’avons même plus accès aux principales publications étrangères, témoigne un physicien d’un institut moscovite préférant rester anonyme. Quand ce n’est pas la revue elle-même qui rompt les accords existants, se pose la difficulté logistique d’effectuer un paiement à l’étranger. »
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