
C’est une première aux Etats-Unis : il sera bientôt possible d’acheter des dérivés de selles humaines en pharmacie. En avril, l’agence américaine du médicament (FDA) a donné le feu vert aux sociétés Seres Therapeutics et Nestlé pour commercialiser des gélules à base de microbiote fécal. S’adressant aux adultes touchés par des risques d’infections répétées par la bactérie Clostridioides difficile, ce produit, Vowst de son nom commercial, se présente sous la forme de quatre gélules à prendre chaque jour pendant trois jours consécutifs. Quelques mois auparavant, en novembre 2022, la FDA avait déjà accordé une autorisation de mise sur le marché (AMM) à un médicament composé de microbiote fécal indiqué pour le même type d’infection. Produit par le laboratoire suisse Ferring Pharmaceuticals, Rebyota est vendu en dose unique de 150 millilitres de suspension, administrée par voie rectale.
Ces avancées pharmaceutiques vont probablement bouleverser la manière dont sont prises en charge, outre-Atlantique, les infections à C. difficile, seule indication actuelle pour l’utilisation de selles humaines. Mais elles remettent également au centre des débats le statut du microbiote fécal, utilisé dans plusieurs pays pour recoloniser les intestins des malades avec des bactéries favorables à un meilleur équilibre.
En France, comme aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, le microbiote fécal est considéré comme un médicament. Dans d’autres pays, telles la Belgique ou l’Italie, il s’agit d’un tissu humain. Des définitions réglementaires divergentes aux conséquences lourdes pour les cliniciens et les chercheurs, notamment dans les rapports avec l’industrie pharmaceutique. Par exemple, si un laboratoire venait à développer un médicament aussi efficace que les transplantations de microbiote fécal, quid des préparations magistrales réalisées dans les centres référents à partir de dons de selles ? Elles risqueraient de perdre leur statut de médicament sur le même positionnement thérapeutique.
Cadre réglementaire revu
Or, rappelle Laurent Alric, gastro-entérologue au CHU de Toulouse, il faut distinguer deux types de produits. D’un côté, les selles prises dans leur totalité, qui ne sont pas standardisables, dont la composition exacte n’est pas connue et change selon les donneurs et même selon les jours pour un même donneur. Et de l’autre, des produits dérivés élaborés par l’industrie pharmaceutique, qui peuvent être standardisés mais dont les effets concrets ne reflètent pas ceux d’un microbiote complet. « Mettre les deux sur le même plan est une erreur conceptuelle », considère le spécialiste.
Il vous reste 57.66% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.