Donc M. Jean-Luc Mélenchon a écrit, à propos de la manifestation propalestinienne du 22 octobre à Paris, place de la République : « Voici la France. Pendant ce temps Madame Braun-Pivet campe à Tel-Aviv pour encourager le massacre. Pas au nom du peuple français ! » Donc, d’un côté le peuple français, de l’autre Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, deuxième personnage de l’Etat, élue démocratiquement par ses collègues députés. Aucun observateur n’a relevé cette opposition qui donne tout son sel au fameux « campe » en instaurant explicitement un fossé entre la France et Mme Yaël Braun-Pivet.
Car si Mme la présidente de l’Assemblée nationale « campe » à Tel-Aviv, c’est explicitement qu’elle a quitté le territoire national pour soutenir le massacre et non pour faire du « camping », comme l’avancent certains internautes mais aussi plusieurs de ses collègues non dépourvus d’humour, tel le député de Haute-Garonne, Hadrien Clouet [LFI], qui s’exclame : « Il va falloir fermer tous les Decathlon de France ! »
Diable, pour quelles autres raisons la présidente de l’Assemblée nationale, personnage crucial de la vie politique française, respectée par l’immense majorité de ses collègues, déciderait soudain d’aller « camper » à Tel Aviv ? Est-ce pour choisir son « camp » ? Mais dans cette hypothèse, on dirait les choses clairement sans en rester à ce « campe » mystérieux. Va-t-elle abandonner sa fonction éminente, préférer les affres d’un camping sauvage ? On ne peut l’imaginer de la part d’une juive d’Etat viscéralement attachée, comme tant d’autres depuis l’émancipation de septembre 1791 [date d’obtention de la citoyenneté des juifs en France], aux valeurs de la République.
« Police des mots »
Alors, que signifie cette étrange apostrophe, ce « campe » qui sidère les esprits ? Ne cherchons pas midi à 14 heures. N’est-ce pas parce que ses liens avec l’histoire juive la poussent à fuir la France, la vraie, celle qui lance ses slogans propalestiniens (sans l’ombre d’une critique de l’action délibérée, bestiale et mise en scène du Hamas à l’égard des civils israéliens ou autres) pour se réfugier à Tel-Aviv où elle a dressé provisoirement sa tente ?
Certes, rien de tel n’est dit : on se garde bien de pousser le bouchon trop loin, d’avancer une hypothèse qui, peut-on espérer, demeure inaudible dans la France heureusement encore républicaine, attachée aux principes d’égalité de tous les citoyens quelles que soient leurs valeurs et leurs cultures. Récusant de telles insinuations que l’on ne saurait que blâmer, M. Jean-Luc Mélenchon proteste vivement contre Braun-Pivet (qui entre-temps a perdu son prénom), laquelle, émue par son apostrophe, oserait se livrer à une « police des mots » inacceptable en voyant dans ce « campe » une dimension antisémite qu’elle semble vouloir, à tort semble-t-il, rapprocher des « camps » de concentration où ont disparu certains membres de sa famille. Elle ajoute que les propos de M. Mélenchon lui apparaissent comme « une nouvelle cible que l’on [me] met dans le dos ».
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