La proposition du président de la République d’une convention sociale sur les bas salaires est une excellente nouvelle. Car ce sont bien les salaires qui sont la clé de voûte de la reconnaissance du travail et de la capacité à se projeter, que ce soit pour le budget quotidien, les à-côtés qui font les petits plaisirs de la vie et, bien sûr, les plus grands projets – logement, études des enfants, voiture – qui nécessitent un crédit bancaire.
Le smic a vocation à être un niveau d’entrée dans la vie active, pas la rémunération d’une carrière complète. Or, le problème des bas salaires est qu’ils s’assimilent à un « plancher collant » – d’après les termes du cercle de réflexion Terra Nova en 2022 –, où les travailleurs se retrouvent coincés pendant des années, voire des décennies. La réalité est surtout que le « smic à vie » va à l’encontre des valeurs d’effort, de mérite et de reconnaissance si essentielles à notre contrat social et républicain. C’est alors une machine à alimenter le ressentiment et le vote pour l’extrême droite.
Le procès en inaction du gouvernement est injuste car les travailleurs les moins bien rémunérés ont été soutenus ces dernières années : boucliers tarifaires énergétiques, « prime Macron », revalorisation des petits traitements de la fonction publique, défiscalisation des heures supplémentaires ou encore accord sur la valeur ajoutée pour faciliter l’accès des salariés à l’intéressement et à la participation dans les PME – pour ne citer que quelques exemples.
Mais aujourd’hui, souvent, seul le smic focalise l’attention du débat public et des propositions politiques. Et c’est bien dommage. D’abord parce qu’une hausse généralisée du smic ne règle pas le problème des temps partiels subis, qui est le plus grand facteur de pauvreté, et des petites retraites associées, en particulier pour les femmes. Ensuite, parce que l’expérience dans les entreprises de plus de dix salariés a montré que, pour une hausse comparable, la revalorisation des grilles salariales des branches était plus efficace que la revalorisation du smic pour faire monter les salaires plus haut et plus fréquemment.
Enfin, pour les travailleurs modestes, le plancher du smic est souvent aussi un plafond. Entre minima conventionnels inférieurs au smic et tassement des grilles salariales de branches, il faut des années, parfois des décennies, à un travailleur pour quitter cette « trappe à bas salaires », en dépit des compétences et de l’expérience acquise. Cela résulte de l’enlisement durable du dialogue social dans certaines branches, où les négociations annuelles obligatoires [NAO] n’ont pas lieu assez fréquemment ou régulièrement n’aboutissent pas. Ces NAO ont permis en moyenne nationale des hausses de salaires de 4,6 % en 2023 selon une étude du groupe Alpha, mais aujourd’hui près de 10 % des branches ont encore des minima conventionnels inférieurs au smic.
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