Valéry Giscard d’Estaing et Jacques-Henri Lartigue, un coup de foudre amical

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Retrouvez tous les épisodes de la série « Un président, un artiste » ici.

Quelle image ! Le portrait officiel du président de la République affiché dans les mairies à la rentrée 1974 n’a rien d’habituel : ni le format, en largeur, ni le sourire du chef de l’Etat, ni le costume de ville, ni le drapeau tricolore faseyant derrière lui. Adieu, bibliothèques austères et visages compassés, c’est un homme sur lequel flotte un air de bonheur qui regarde les Français « au fond des yeux ». Il leur donnera bientôt la majorité à 18 ans, le droit à l’avortement, un vrai congé de maternité, un chômage convenable. Le petit miracle de cette photographie à l’apparente légèreté a été réalisé en moins d’une demi-heure par un jeune homme de 80 ans. Le 25 août 1974, Jacques-Henri Lartigue photographiait Valéry Giscard d’Estaing, 48 ans, sur le perron de l’Elysée.

De cet instant dont chacun des protagonistes a ressenti la grâce est né un « coup de foudre d’amitié », écrit Lartigue dans son journal, qui ne s’est interrompu qu’avec la mort de l’artiste, en 1986. Il s’est propagé aux épouses, Anne-Aymone Giscard d’Estaing et Florette Lartigue, disparue en l’an 2000. « Maman était très amie avec Florette. Mes parents ont continué à les voir jusqu’au bout, confie au Monde Valérie-Anne Giscard d’Estaing, éditrice et galeriste spécialisée dans la photo qui a, elle aussi, bien connu les Lartigue. J’allais les voir chez eux, rue de Longchamp, pas tant pour les photos que par amitié. » Pas une once de politique dans cette relation mais une rencontre, restée privée pendant des décennies. « Dès qu’on est dans la lumière, tout devient plus difficile, constate la fille aînée de VGE. Et ils n’y tenaient ni l’un ni l’autre. »

Début 1982, neuf mois après le spectaculaire « Au revoir » à la télévision, les Giscard attendent Jacques et Florette Lartigue dans le château désert des Poniatowski, le domaine du Rouret, dans les Alpes-Maritimes, pour un dîner à quatre. VGE en chandail, souriant, semble le même, mais le poison acide de la défaite l’a corrodé. Lartigue esquive. « Je bifurque lorsqu’il me parle de l’état actuel de la politique : je veux qu’avec moi il soit enfin en vacances momentanées », écrit-il dans L’Œil de la mémoire (Carrère-Lafon, 1986), le troisième tome de son journal, une mine sur la grande bourgeoisie et l’aristocratie du XXe siècle. Proust sans le style, les Pinçon-Charlot, sociologues du gotha, sans la lutte des classes. L’art, le cinéma, la peinture, la photographie, la beauté de la vie, celle des femmes, du printemps, ah oui, tant que l’on veut. Mais les législatives, les remaniements, les grèves, les haines, ce n’est pas pour Lartigue.

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