La proposition de loi « antisquat » avait été adoptée définitivement par le Parlement le 14 juin, après une ultime lecture au Sénat, attirant les critiques d’élus de gauche et des associations. Saisi à la fin de juin par les députés de la coalition de la Nupes, le Conseil constitutionnel a validé, mercredi 26 juillet, l’essentiel du texte.
Le Conseil constitutionnel a toutefois censuré un article, l’article 7, qui libère le propriétaire d’un bien squatté de son obligation d’entretien et l’exonère en cas de dommage résultant d’un défaut d’entretien.
La loi, qui alourdit à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende les sanctions contre les personnes se faisant passer pour des propriétaires afin de louer des biens qui ne leur appartiennent pas, va donc pouvoir entrer en vigueur dans sa grande majorité, à l’exception de son article 7.
Peines alourdies pour les squatteurs
La proposition de loi « visant à protéger les logements contre l’occupation illicite » a été portée par le député de la majorité Guillaume Kasbarian (Renaissance). En vertu de cette nouvelle loi peuvent être considérés comme des « domiciles » tous les locaux d’habitation contenant des biens meubles, y compris les résidences secondaires.
Sur ce point, le Conseil constitutionnel introduit une « réserve d’interprétation », en précisant qu’il « appartiendra au juge d’apprécier si la présence de ces meubles permet de considérer » que la personne « a le droit de s’y dire chez elle ».
Selon un ajout à la proposition effectué par les sénateurs en première lecture, le juge ne pourra plus accorder de délai aux squatteurs dont l’expulsion a été judiciairement ordonnée.
Un nouveau délit est par ailleurs créé, punissant d’une amende de 3 750 euros la propagande ou la publicité en faveur de méthodes encourageant la violation d’un domicile. Le Conseil constitutionnel l’a validé.
La proposition de loi accélère aussi les procédures en cas de loyers impayés. Il est prévu, de manière systématique dans les contrats de bail, une « clause de résiliation de plein droit ». Activer cette clause permettra à un propriétaire d’obtenir la résiliation du bail sans avoir à engager une action en justice et, ainsi, de pouvoir obtenir plus rapidement une expulsion.
Enfin, un article issu du Sénat visant « à équilibrer le texte en renforçant l’accompagnement social des locataires en difficulté » a été conservé par les députés.
Opposition de la gauche et inquiétudes des associations
La loi est dénoncée par les parlementaires de gauche et les associations de lutte contre le mal-logement. Au Sénat, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, à majorité communiste, a défendu sans succès une motion de rejet en bloc du texte, « véritable criminalisation de la pauvreté » selon Pascal Savoldelli, « une offensive contre les locataires et contre les plus démunis » pour Marie-Noëlle Lienemann.
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L’association Droit au logement avait appelé à un rassemblement devant le Palais du Luxembourg au moment de la dernière lecture, sous le slogan « Se loger n’est pas un crime, c’est un droit ! ».
Dans son rapport annuel, la Fondation Abbé Pierre a estimé à 330 000 le nombre de personnes sans domicile en France, c’est 30 000 de plus que l’année précédente. En outre, le nombre de ménages demandeurs d’un logement social – il s’établit à 2,42 millions – n’a jamais été aussi élevé.
« Appliquer ce texte à la lettre pourrait doubler le nombre de personnes sans domicile », a déclaré le sénateur écologiste des Bouches-du-Rhône Guy Benarroche, citant le Secours catholique, le 14 juin dernier. Pour le socialiste Denis Bouad (Gard), la proposition de loi « semble symbolique d’un certain aveuglement vis-à-vis de la crise du logement ».
Lors de l’examen du texte, le ministre chargé du logement, Olivier Klein, a concédé récemment qu’il y avait « un risque de bombe sociale » lié à la violente crise du secteur. « Cette proposition de loi n’a jamais eu pour objectif de résoudre la crise du logement dans notre pays, mais elle permet de lutter contre les abus, contre ceux qui profitent du système et arnaquent les petites gens », a-t-il toutefois dit au Sénat.
La première ministre, Elisabeth Borne, a annoncé au début de juin plusieurs mesures pour tenter d’endiguer la crise du secteur du logement, sans convaincre. Le délégué général de la Fondation Abbé Pierre, Christophe Robert, a évoqué un sentiment de « gueule de bois » après six mois de travail du Conseil national de la refondation sur le logement.