Elisabeth Borne, envers et contre tout

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Un remaniement, quel remaniement ? Depuis le début de la semaine, l’Elysée s’emploie à minimiser la portée de ce qui constitue d’ordinaire une des armes à la disposition de l’exécutif pour frapper l’opinion publique et relancer l’action gouvernementale. Au terme de la période des « cent jours » que le chef de l’Etat avait lui-même fixée pour s’extirper du conflit des retraites, Elisabeth Borne reste première ministre. Confirmée sans avoir pour autant réussi à élargir la majorité, elle sera bientôt à la tête d’un nouveau gouvernement. Coup double.

Cependant, l’Elysée fait tout pour minorer l’événement : le maintien de la première ministre a été entériné lundi 17 juillet du bout des lèvres, au nom de « la nécessaire stabilité du travail de fond » et sans aucune appréciation laudative. La même banalisation est affichée s’agissant de l’élaboration du gouvernement Borne III, dont la composition devait être dévoilée par un simple communiqué jeudi 20 juillet.

Les proches d’Emmanuel Macron qualifient ce remaniement de « simple ajustement », là où la première ministre y voit, au contraire, le gage d’une consolidation et milite pour des changements significatifs. Le moment n’est donc pas si banal que cela, même si tout est fait pour faire accroire le contraire.

Depuis le début du second quinquennat, le traitement infligé à Elisabeth Borne est à la fois brutal et injuste : la première ministre évolue de CDD en CDD, sous les lazzis de nombreux proches du chef de l’Etat, qui rappelaient encore ces derniers temps son incapacité à faire voter la réforme des retraites sans recourir au 49.3 ou fustigeaient son profil trop technocratique. L’élue du Calvados n’était, il est vrai, pas le premier choix d’Emmanuel Macron, qui avait d’abord jeté son dévolu sur l’ancienne membre du parti Les Républicains (LR) Catherine Vautrin, avant de renoncer à la nommer sous la pression de la majorité présidentielle, inquiète d’une droitisation du dernier quinquennat.

Emmanuel Macron entravé

Périodiquement menacée d’être remplacée par plus politique ou plus empathique qu’elle, Elisabeth Borne n’en est pas moins parvenue à survivre faute de solution évidente. Elle a montré un indéniable savoir-faire dans l’art de négocier des majorités texte par texte et, face à l’offensive des ministres venus de la droite qui, à l’instar de Gérald Darmanin, prétendaient lui succéder, elle a su construire d’efficaces alliances au sein de Renaissance.

Son maintien à Matignon symbolise cependant l’échec de l’élargissement à gauche comme à droite, et donc la pérennisation d’une situation politique périlleuse. Emmanuel Macron reste toujours aussi entravé à l’approche de la dernière partie utile de son dernier quinquennat, celle qui le conduit jusqu’aux élections européennes de juin 2024 : sur le budget, comme sur l’immigration, son gouvernement est à la merci d’une motion de censure si les députés LR de plus en plus radicalisés décident de la voter.

Faire porter la responsabilité de cette fragilité sur Elisabeth Borne serait toutefois injuste et contre-productif. A vouloir banaliser la reconduction de la première ministre dans l’attente d’une nouvelle feuille de route présidentielle qui ne sera dévoilée qu’à la fin de l’été, l’Elysée prend le risque de passer par pertes et profits les acquis de la première ministre, qui sont aussi ceux du chef de l’Etat. En dépit d’un climat politique éruptif, des textes importants, comme la loi de programmation militaire ou la loi sur la justice, ont été adoptés au cours des cent jours. Quant au reste, c’est-à-dire à la définition d’un cap clair pour la dernière partie du mandat, il relève de la responsabilité exclusive du président de la République.

Lire aussi le récit : Article réservé à nos abonnés A l’Elysée, l’étrange garden-party des ministres en sursis

Le Monde

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