
Professeur de sciences politiques à l’université Lille-II et chercheur au CNRS, Rémi Lefebvre estime que la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), formée par l’alliance du Parti socialiste (PS), de La France insoumise (LFI), d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) et du Parti communiste français (PCF), à l’occasion des élections législatives de 2022, n’est pas condamnée pour l’instant à l’éclatement, malgré les divisions nombreuses qui sont apparues depuis un an.
Les clivages au sein de la Nupes lors de la réforme des retraites, ou plus récemment lors des émeutes urbaines, ne condamnent-ils pas à terme cette alliance à l’implosion ?
Il y a eu des clivages dès le départ en réalité, notamment concernant les questions régaliennes, la politique extérieure ou celles qui sont relatives à la police. Le style tribunitien et vitupérant de LFI tranche avec la plus grande pondération institutionnelle des autres partis. Or, du fait de la « spectacularisation » de la vie politique, par le biais des réseaux sociaux notamment, on y accorde beaucoup d’importance. Je considère pourtant que ce qui rassemble les partis de la Nupes est beaucoup plus fort que ce qui les divise.
Originellement, la Nupes est un accord électoral de circonstance, signé dans l’urgence, et qui a rempli très clairement ses objectifs. L’alliance souhaitait cristalliser une union sur le fil aux législatives, entre les partis politiques de gauche mais surtout permettre à chacun d’obtenir un groupe parlementaire et de maximiser le nombre de députés dans l’Hémicycle. La souplesse de cet accord est à la fois un atout, car chaque parti a l’impression de garder sa liberté, et un handicap, car l’absence de réelle intégration crée cacophonie et dissonances.
Le danger n’est pas l’existence de divergences, mais l’absence de débat idéologique au long terme. La Nupes, c’est simplement un accord, qui a permis certes le développement d’une culture parlementaire de collaboration à l’Assemblée nationale, mais qui ne va guère au-delà et reste un dispositif politique assez pauvre.
Je ne crois pas pour autant à une implosion immédiate. Il y a une aspiration très forte de l’opinion publique à l’unité : tout parti qui prendrait l’initiative de rompre l’accord serait disqualifié auprès de cette opinion. Jusqu’à quand la Nupes peut-elle se maintenir ? Pour l’instant, elle tient, chaotique et hésitante.
La Nupes part pourtant divisée aux européennes de 2024 : Marie Toussaint vient d’être désignée cheffe de file d’EELV, et Léon Deffontaines, tête de liste pour le PCF…
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