
Patrick Belluau avait déjà vu Marine Le Pen : il l’avait croisée au cinéma, dans une salle de Boulogne-Billancourt, dans les Hauts-de-Seine. Ces derniers jours, des émissaires du Rassemblement national (RN) sont venus s’enquérir de la possibilité, pour la cheffe de file de la formation d’extrême droite, de lui rendre visite dans sa chocolaterie, sur la place centrale de Beauvais. « Ma porte est ouverte à tous », a-t-il répondu, mais il ne s’attendait pas à « une telle horde » : deux députés RN de l’Oise, des militants locaux, le service de sécurité, la presse et quelques badauds ont suivi, mercredi 12 juillet, pendant quatre-vingt-dix minutes, la visite de Mme Le Pen à des commerçants castés à l’avance.
Lors de ce déplacement, les discussions sont restées fermées à la presse. M. Belluau s’attendait, comme les journalistes présents, à des questions sur les émeutes urbaines et l’insécurité : « Je sais qu’elle joue là-dessus. » Il n’en fut rien, et pour cause : si Beauvais a bien été touchée par les violences faisant suite à la mort de Nahel M., victime d’un tir policier, le 27 juin, elles sont largement restées circonscrites au quartier de l’Argentine.
Dans cette zone prioritaire, les émeutiers ont endommagé le centre communal d’action sociale, un bureau de poste et des commerces du quartier. Les belles vitrines du centre-ville, à un quart d’heure à pied, sont intactes. Pourquoi Marine Le Pen, restée discrète durant les émeutes, évitant la surenchère, a-t-elle préféré se tenir à l’écart du quartier pour son premier déplacement depuis les violences urbaines ? Par peur de l’hostilité des habitants, assume-t-elle : « Clairement, ces quartiers sont impossibles à sécuriser, à peu près pour tout le monde. »
La cheffe de file de l’extrême droite a préféré parler aux commerçants d’inflation, d’apprentissage, de défaillances d’entreprise, de remboursement des prêts garantis par l’Etat ou des cotisations patronales. Elle leur a ainsi dit son opposition aux cotisations patronales, aux prêts garantis par l’Etat liés aux confinements – auxquels elle aurait préféré des fonds propres –, aux rues piétonnes qui ont le désavantage, dit-elle, d’attirer des marginaux qu’il faudrait hospitaliser, ce qui implique de « remettre massivement des moyens dans la psychiatrie ». Un discours susceptible de soigner sa popularité auprès des petits commerçants, moins auprès des tenants d’une relative orthodoxie budgétaire.
« Pilleur-payeur »
Avec eux, elle n’a pas abordé le sujet des émeutes, qui la portent dans les sondages, jusqu’à une visite dans un commissariat, qui a pris chacun de court, et même son propre entourage. Elle a évoqué rapidement le sujet devant la presse, plaidant en faveur d’une « théorie du pilleur-payeur, du casseur-payeur », qui conduirait les émeutiers à « payer, toute leur vie peut-être, certainement même », pour les dégâts commis. « On déverse des milliards dans la politique de la ville avec en réalité zéro résultat », a-t-elle encore estimé. Avant de se dire « interloquée » par l’annulation des festivités du 14-Juillet dans plusieurs communes, par crainte de nouvelles violences après les émeutes consécutives à la mort de Nahel M..
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