
Plus de deux ans après le début de la polémique sur les cabinets de conseil, le gouvernement rechigne toujours à faire la transparence sur le contour exact des interventions de ces consultants au sein de l’Etat.
Le ministre de la fonction publique, Stanislas Guerini, s’était pourtant engagé, en juillet 2022, à publier la liste, « mission par mission », des interventions des consultants, avec pour chacune d’elles les montants en jeu, le commanditaire, le prestataire et l’intitulé de la prestation. Mais le document budgétaire sur le recours aux conseils extérieurs publié quelques mois plus tard s’est contenté d’égrener les « principales missions » des grands ministères.
Le Monde a fait l’expérience directe de ce verrouillage de l’information en sollicitant le détail de quelque 1 500 missions de conseil externe menées de 2017 à 2022 auprès d’une quarantaine de ministères et d’opérateurs de l’Etat. Notre demande, qui remonte à février 2022, s’appuie sur la loi de 1978, qui garantit l’accès du public aux documents de l’Etat.
Les « livrables » des consultants rarement communiqués
Près d’un an et demi plus tard, nous n’avons reçu des documents que pour 30 % de ces missions. Il s’agit, pour l’essentiel, de documents contractuels assez arides, qui ne renseignent guère sur le contenu concret des prestations. Les administrations n’ont accepté de nous transmettre les « livrables », ces documents produits par les consultants au cours de leurs interventions, que dans 8 % des cas. Et de nous fournir les correspondances échangées avec les cabinets dans seulement 1 % des cas.
Si aucun des ministères n’a, à ce jour, pleinement répondu à nos sollicitations, certains se sont distingués par leur manque d’entrain : les ministères de la santé et de l’agriculture n’ont transmis des documents que pour neuf missions chacun, sur un total de 328 prestations ciblées dans nos demandes, et en omettant le plus souvent les « livrables ». Le ministère de l’économie, grand consommateur de consultants, n’a communiqué que des documents contractuels, pour l’essentiel déjà publics.
La plupart des administrations ont « saucissonné » leurs envois en dizaines de lots, comprenant chacun une poignée de documents, envoyés au fil des mois dans les messageries électroniques des journalistes du Monde. Beaucoup de documents reçus comportent également d’importants caviardages : une pratique permise par la loi sur la transparence des documents administratifs, qui vise à éliminer les informations personnelles et les mentions protégées par le secret des affaires, susceptibles de porter atteinte aux intérêts commerciaux des cabinets de conseil impliqués. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le ministère de l’agriculture a refusé de nous transmettre certains documents par voie dématérialisée, en assurant n’être en mesure de garantir « l’anonymisation des dossiers » que par un envoi de documents imprimés.
Il vous reste 46.92% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.