
Une œuvre durable
Le contrat ne devait durer que trois ans, peut-être cinq. Pour la 33e année d’affilée, la tribune présidentielle conçue par Marie-Christine Dorner a été montée pour le défilé du 14-Juillet. Une toile bleu, blanc, rouge de 1 500 mètres carrés, soutenue par des fléaux ajustables mimant le mouvement, flotte au-dessus des 1 500 invités de la tribune présidentielle, place de la Concorde. « J’avais envie de créer quelque chose qui exprime la fête, le mouvement, une fête républicaine, un drapeau en mouvement », explique la designer. Depuis 1990, tous les présidents, de François Mitterrand à Emmanuel Macron, ont choisi de conserver l’œuvre épurée et fonctionnelle. « C’est une fierté qu’un gros objet puisse durer dans le temps », résume Marie-Christine Dorner, 62 ans.
Une construction pharaonique
La tribune est certes réutilisable, mais son montage mobilise, du 22 juin au 11 juillet, plus d’une centaine de personnes par jour, du ministère des armées aux intervenants extérieurs. Dès la fin de la Fête de la musique, des camions transportent les pièces de la structure métallo-textile qui va accueillir la tribune et le podium-gradins. La structure à elle seule pèse plus de 200 tonnes et le chantier nécessite une organisation millimétrée. La composition exacte du proscenium qui accueille le gouvernement et les invités d’honneur est un secret bien gardé jusqu’au jour J. Coût total de l’opération ? Le ministère refuse de donner un montant, mais assure qu’il est « maîtrisé et surveillé ».
Un invité critiqué
Comme à l’accoutumée, le plateau de la tribune a été élargi pour accueillir un invité d’honneur : le premier ministre indien, Narendra Modi, après la venue de son prédécesseur, Manmohan Singh, en 2009. Une invitation du nationaliste hindou qui a suscité des critiques. Depuis son arrivée au pouvoir, en 2014, en Inde, la liberté de la presse, l’indépendance de la justice et le pluralisme politique sont régulièrement menacés. Les Verts ont dénoncé une « une faute politique majeure d’Emmanuel Macron », dans une tribune publiée dans Libération. Le partenariat stratégique qui lie la France et l’Inde – noué en 1998, il célèbre son 25e anniversaire – et qui a conduit à la vente historique de 36 avions de chasse Rafale en 2016, pendant la présidence de François Hollande, l’a, une fois de plus, emporté sur des considérations plus politiques.
Des gradins gratinés
Chaque année, la tribune présidentielle apporte son lot de polémiques. En 2008, Bachar Al-Assad se tenait aux côtés de Nicolas Sarkozy pour le lancement de l’Union pour la Méditerranée. L’ancien président français avait renoué des liens avec son homologue syrien, pourtant soupçonné d’être à l’origine de l’assassinat, en 2005, de l’ancien premier ministre libanais Rafic Hariri. En 2010, l’invitation de certains chefs d’Etat africains avait provoqué l’ire des associations pour les droits de l’homme. Dernière polémique en date, la venue en 2017 du président américain Donald Trump. Pourtant, quelques semaines auparavant, le président Emmanuel Macron avait réagi au retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris sur le climat, en détournant le slogan de son homologue américain « Make America great again » en « Make our planet great again » (« Rendez sa grandeur à notre planète »).