Des chartes plutôt que des lois : le gouvernement face à la tentation du « droit souple »

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Pour favoriser la mixité sociale dans l’école privée, le ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye, disposait d’un levier majeur : il aurait pu, comme le suggérait récemment la Cour des comptes, moduler le financement des établissements privés sous contrat en fonction de leurs efforts en matière de mixité. C’est la menace qu’il avait fait planer en mars, en évoquant une « démarche contractualisée » pour « exiger » des résultats de leur part.

Mais, faute de soutien au sein du gouvernement et face à la pression de la droite et de l’extrême droite, Pap Ndiaye a finalement dû opter en mai pour un « protocole » non contraignant, qui consiste essentiellement à « sensibiliser » l’administration et à « inciter » l’enseignement catholique à augmenter son taux d’élèves boursiers, sans véritable sanction à la clé.

Cet épisode est emblématique du goût croissant de l’Etat pour le « droit souple », matérialisé par la multiplication des « chartes d’engagement », des « pactes » et des « protocoles » truffés de bonnes intentions signées par les acteurs économiques sous l’égide du gouvernement. Régulation de la publicité lumineuse, rémunération des agriculteurs, recyclage du polystyrène, qualité de service dans le transport aérien, prix des produits alimentaires… rares sont les domaines qui ont échappé à cette tendance au cours des dernières années. Par pragmatisme ou par refus idéologique des approches coercitives, les pouvoirs publics privilégient de plus en plus ces approches incitatives, où l’autorégulation remplace bien souvent la réglementation et le « droit dur ».

Bien que très prisée de la Macronie, cette approche trouve des origines plus anciennes. En 2012, le gouvernement socialiste de François Hollande met en chantier une loi pour réguler les salaires excessifs des grands patrons. Face à la levée de boucliers, il renonce rapidement et accepte la proposition des syndicats patronaux de s’autoréguler avec un « code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées » encadrant les bonus et les retraites chapeaux. Peu contraignant, ce texte montre rapidement ses limites, n’empêchant pas les polémiques sur les rémunérations de Carlos Tavares ou Carlos Ghosn.

Remplacer la norme par l’incitation

Au fil des années, la charte s’est imposée comme un outil efficace des lobbys pour tuer dans l’œuf des projets de réglementation défavorables à leurs intérêts. Elle offre le double avantage de limiter la contrainte pesant sur les acteurs économiques en montrant que le gouvernement agit.

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