Monique Dorin a déjà enfilé sa gabardine et ses bottes pour aller au poulailler nourrir les volailles. Il est 8 heures, ce mardi 13 février, et la brume ne s’est pas encore dissipée sur la ferme bio du clos de Montcouard, à Beaumont-Saint-Cyr (Vienne). Jacky, le fils de Monique, et Guillaume, son petit-fils, ont également commencé leur routine matinale, qui consiste à alimenter les 115 bovins du cheptel.
A voir Monique, 82 ans, s’affairer dans la cour – même si elle dit regretter de ne pas avoir « autant d’énergie qu’avant » –, on imagine la ténacité avec laquelle elle a dû mener chacun de ses projets, avec son mari, Jacques, mort en 2016. Un, en particulier, fait sa fierté : lorsque, en 1968, ils choisissent de passer en bio.
Dans ces années-là, l’air du temps est à l’agrandissement des exploitations, à l’accroissement de la productivité et à l’usage de produits chimiques – en 1974, le glyphosate est autorisé pour la première fois en France. Monique et Jacques choisissent alors une voie encore marginale. Aux yeux des fermiers pratiquant l’agriculture conventionnelle, « avec nos cultures, on était sales », se souvient Monique. « Forcément, puisque leurs désherbants à eux supprimaient tout. »
Le jeune couple n’en est pas à sa première décision audacieuse. En 1962, déjà, ils achètent ensemble les terres sur lesquelles les parents de Jacques travaillaient jusqu’alors en fermage – en payant un loyer. « A l’époque, ça ne se faisait pas d’emprunter de l’argent à une banque », confie Monique. Jacques rentrait tout juste de la guerre d’Algérie, ils n’étaient pas mariés, mais le propriétaire voulait vendre les terres tout de suite. « On n’avait rien, mais on n’avait pas le choix, il fallait se lancer », reconnaît Monique. « Notre voyage de noces s’est fait dans les blés. »
« On n’avait jamais entendu parler du bio »
De chaque côté de l’allée centrale de l’étable, les vaches limousines attendent, alignées, la distribution des céréales bio. Provenant exclusivement de la ferme, le mélange, constitué de blé, orge, petits pois, triticale et féveroles, a été savamment préparé par Jacky et Guillaume à partir de la moisson de l’été passé.
Sur son terrain, Jacky sème également des légumineuses, comme de la luzerne, dont les vaches ont besoin dans leur alimentation. L’avantage est que ces plantes jouent un rôle nettoyant pour l’herbe : en captant l’azote de l’air, elles en enrichissent le sol. De plus, le fauchage de ces céréales et légumineuses permet à la ferme d’être autonome pour le paillage des vaches – cette litière étant changée tous les deux jours.
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