Votation sur les SUV à Paris : toutes les questions que pose cette consultation citoyenne

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Un SUV sur le rond-point des Champs-Elysées à Paris, le 31 janvier 2024.

Dimanche 4 février, les électeurs parisiens sont appelés à se prononcer sur la création d’un tarif de stationnement spécifique pour les sport utility vehicles (SUV), avec un triplement du prix. Ces « 4 × 4 de ville », lourds et encombrants mais considérés comme spacieux et sécurisants par leurs conducteurs, sont aujourd’hui les véhicules les plus vendus en Europe.

« Sécurité », « partage de l’espace public », « pollution »… la maire de Paris, Anne Hidalgo, a fait campagne pour l’instauration de ce nouveau tarif destiné à éloigner les SUV de la capitale. Une idée pas tout à fait inédite puisque la municipalité écologiste de Lyon a annoncé le 30 janvier qu’elle adopterait dès juin – mais sans consultation citoyenne préalable – une nouvelle tarification progressive du stationnement pour encourager les véhicules plus légers et moins polluants.

Conditions du vote à Paris, véhicules concernés, arguments… Les Décodeurs font le tour de la question avant la votation.

Sur quoi porte la votation ?

L’intitulé de la question qui sera posée aux Parisiens et Parisiennes n’est pas tout à fait neutre : « Pour ou contre la création d’un tarif spécifique pour le stationnement des voitures individuelles lourdes, encombrantes, polluantes ?  »

La tarification proposée par la mairie de Paris engendrerait le triplement des tarifs de stationnement pour certains véhicules lourds. Tous les véhicules thermiques ou hybrides rechargeables de plus de 1,6 tonne et les véhicules électriques de plus de 2 tonnes seront visés.

Les tarifs triplés

Ce tableau présente les tarifs de stationnement pour les voitures classiques (inchangés) et ceux qui seront appliqués aux SUV en cas de majorité de « pour » à la votation du 4 février.

Durée

 

du 1er au

11e arr.

 

du 12e au

20e arr.

1 h

 

6 €

18 €

 

4 €

12 €

2 h

 

12 €

36 €

 

8 €

24 €

3 h

 

24 €

72 €

 

16 €

48 €

4 h

 

39 €

117 €

 

26 €

78 €

5 h

 

57 €

171 €

 

38 €

114 €

6 h

 

75 €

225 €

 

50 €

150 €

Qui peut voter ?

Cette votation, comme celle portant sur les trottinettes d’avril 2023, est utilisée par la Ville pour appuyer sa politique par un potentiel soutien dans les urnes. Tous les résidents et résidentes de Paris inscrits sur les listes électorales de la capitale peuvent participer.

Comme lors de la dernière consultation citoyenne, le scrutin sera exclusivement physique, organisé dans 222 bureaux de vote de la capitale et il ne sera pas possible de recourir à des procurations. Lors du vote contre le maintien des trottinettes en libre-service l’an dernier, 103 000 personnes s’étaient exprimées, soit un peu moins de 7,5 % des électeurs inscrits.

Quels SUV seront concernés ?

Si la municipalité parle d’un « tarif SUV », ces modèles ne seraient en fait pas les seuls à être surtaxés. « Les très grosses berlines seront aussi concernées », confirme la mairie.

A l’inverse, les SUV les plus légers échapperaient à la hausse du stationnement. Parmi les SUV les plus vendus en France l’an dernier, la Peugeot 2008, la Renault Captur et la Dacia Duster ne dépassent pas 1,4 tonne et leurs propriétaires pourront continuer à profiter des tarifs habituels. Dans un rapport publié en 2020, l’association WWF estimait que les SUV les plus vendus pesaient en moyenne 1 352 kg.

Selon les données d’AAA Data, une entreprise spécialisée dans les données automobiles, environ 16 % des véhicules d’Ile-de-France seraient concernés par la hausse de la tarification pour les gros modèles, s’ils venaient se garer dans la capitale.

Un chiffre plus élevé que l’estimation de l’adjoint aux mobilités de la mairie de Paris, David Belliard, qui déclarait en décembre 2023 que les voitures thermiques et hybrides de plus de 1,6 tonne représentaient « à peu près 10 % du parc ». Ce qui correspondrait à environ 7 000 véhicules sur les 70 000 tickets de stationnement générés chaque jour dans la capitale.

Environ 16 % des véhicules franciliens concernés

Ce graphique représente, par département francilien, le pourcentage de voitures qui dépassent le critère de 1,6 tonne retenu par la mairie de Paris ; pour autant, elles n’ont pas toutes vocation à se rendre dans la capitale.

Ce critère d’1,6 tonne est celui retenu pour le « malus masse » instauré par le gouvernement en 2022. A l’origine, cette taxe s’appliquait dès le premier kilogramme au-dessus de 1,8 tonne de la « masse en ordre de marche », ou poids à vide (incluant le véhicule, le carburant et les équipements de base, mais sans conducteur ni bagages). Elle a été durcie depuis le 1er janvier 2024 au seuil de 1,6 tonne.

Le Monde

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Cette taxe reste moins ambitieuse que la recommandation de 1,4 tonne formulée par la Convention citoyenne pour le climat en 2021. Surtout, il existe une série d’exemptions pour les familles nombreuses et les véhicules électriques et hybrides rechargeables.

Résidents, professionnels, qui sera exempté de la surtaxe ?

« En cas de victoire du “oui” à cette question, ne seront pas concernés les résidents parisiens et professionnels », a affirmé la maire de Paris, Anne Hidalgo. En fait, seuls les 95 000 Parisiens détenteurs d’un abonnement de stationnement à tarif préférentiel « résident » pourront éviter cette hausse des tarifs, si elle est appliquée. Surtout, cette carte ne couvre qu’un secteur restreint autour de leur résidence principale : dans le reste de Paris, ils devront s’acquitter du tarif visiteur.

Quant aux camionnettes de moins de 3,5 tonnes, si elles sont enregistrées comme un véhicule professionnel, elles ne seront pas concernées par la surtaxe. Une camionnette « personnelle », en revanche, sera soumise au même traitement qu’un SUV ou que n’importe quelle automobile.

Les personnes handicapées qui possèdent un justificatif sont aussi exemptées et la gratuité du stationnement est aussi maintenue pour tous les véhicules pendant la nuit et le dimanche.

Quel est le profil des conducteurs de SUV ?

Selon les dernières données publiées par la société AAA Data, en juin 2023, sur la base des immatriculations de voitures neuves, le profil type de l’acheteur de SUV est très marqué : 8 acheteurs sur 10 sont des urbains, 88 % sont aisés (plus de 40 000 euros de revenus annuels) ou très aisés et 7 sur 10 sont des hommes.

Les ménages modestes disparaissent progressivement de la liste des acheteurs de SUV ; ils étaient 7 % en 2019, 2 % en 2022 et seulement 1 % sur les premiers mois de 2023. L’augmentation du tarif du stationnement à Paris toucherait donc les ménages les plus riches.

Quel est le problème avec les SUV ?

La mairie de Paris reproche à ces véhicules d’être polluants et encombrants. Ils posent aussi des questions de sécurité routière.

– La question des émissions de CO2

Selon un rapport de Greenpeace de novembre 2023, les émissions élevées des SUV (des marques Toyota, Volkswagen and Hyundai-Kia, les trois plus importantes) annulent les progrès réalisés par la réduction des émissions et la production de voitures électriques sur dix ans.

Le Haut conseil pour le climat qualifiait les SUV d’« incompatibles avec la transition écologique » en 2021. Ils émettent 10 % à 20 % de gaz à effet de serre de plus qu’une voiture classique, a calculé le WWF. En 2022, les seuls SUV étaient responsables d’un milliard de tonnes d’émissions de CO2 dans le monde, selon l’Agence internationale de l’énergie.

En 2022, les SUV représentent 25 % des voitures en circulation mais 31 % des émissions de gaz à effet de serre (GES)

Les aires de ce graphique présentent le nombre de SUV parmi toutes les voitures en circulation de 2010 à 2022 (échelle de gauche). La ligne indique la part des émissions de GES des SUV sur la même période (échelle de droite).

– L’occupation de l’espace public

La voiture compte pour 11 % des déplacements à Paris intra-muros ; mais entre les parkings et les voies de circulations, elle occupe une part bien supérieure de l’espace public – 50 % de l’espace public, avait calculé Le Monde en 2016.

Et les véhicules neufs, en particulier les SUV, ne font qu’aggraver le problème, puisqu’ils s’élargissent en moyenne d’un centimètre tous les deux ans, selon l’ONG Transport & Environment (T & E). Leur étude conclut que 52 % des cent SUV les plus vendus en 2023 mesurent plus de 180 centimètres de large, et que certains modèles (BMW X5, X6, X7, Audi Q8, Porsche Cayenne) avoisinent les 200 centimètres. Or la norme des places de parking est fixée à 230 centimètres : ces SUV ne laissent pas assez de place à leurs occupants, ni à leur voisin de stationnement, pour entrer ou sortir de leurs véhicules.

Des chiffres toujours à la hausse

Ce graphique présente de la voiture française « moyenne » vendue entre 1970 et 2020.

– La sécurité routière

La sécurité des SUV, vantée par les constructeurs, ne s’applique qu’à leurs occupants, au détriment des autres usagers de la route. Selon les statistiques de l’assureur AXA, ces grosses voitures provoquent 25 % d’accidents en plus, souvent graves du fait de leur masse importante.

Une étude norvégienne de 2017 met en évidence un lien entre le poids de certaines voitures et la gravité des blessures dans un accident. Les chercheurs estiment que « le risque d’être tué ou grièvement blessé est au moins 50 % plus élevé pour les piétons et les cyclistes heurtés par un SUV que pour les piétons et les cyclistes heurtés par une voiture de tourisme ». L’un des dangers vient de la hauteur du capot : un piéton heurté de face a tendance à passer par-dessus une voiture « classique » mais sous les roues d’un SUV.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Votation à Paris : pourquoi le SUV est dans le viseur

La série « En graphiques » des Décodeurs éclaire l’actualité sous forme visuelle. Retrouvez tous les articles dans notre rubrique.

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