Comment le norovirus, le virus de la gastro-entérite, s’est-il retrouvé dans les huîtres du bassin d’Arcachon, quelques jours avant les fêtes de fin d’année, conduisant les autorités à prendre un arrêté interdisant temporairement leur commercialisation ? La mesure, effective depuis le 27 décembre, et qui pourrait être levée le 19 janvier « sous réserve que les analyses soient favorables », a déjà entraîné la perte de plus de 7 millions d’euros de chiffre d’affaires chez les ostréiculteurs du secteur.
Deux plaintes ont été déposées le 29 décembre par l’Association de défense des eaux du bassin d’Arcachon (Adeba) et son président, Thierry Lafon, contre le Syndicat intercommunal du bassin d’Arcachon (SIBA), qui gère depuis soixante ans l’assainissement des eaux de ce territoire girondin. Deux autres associations environnementales, la Société pour l’étude, la protection et l’aménagement de la nature dans le Sud-Ouest (Sepanso) Gironde et la Coordination environnement bassin d’Arcachon (CEBA), ainsi que des ostréiculteurs à titre individuel, étudient, eux aussi, la possibilité d’un dépôt de plainte.
A l’origine de cette contamination des huîtres : une mauvaise conjoncture entre une épidémie de gastro-entérite et un épisode pluvieux important et continu pendant plusieurs jours. Entre le 26 octobre et le 13 décembre, il est tombé 70 centimètres d’eau en Gironde, soit l’équivalent des précipitations annuelles. Les bassins de rétention, censés retenir ces eaux pluviales, n’auraient pas suffi à éviter leur ruissellement.
« Un égout à ciel ouvert »
Les collecteurs d’eaux usées tout autour du bassin se sont également révélés insuffisants pour absorber toute cette eau. « C’était un égout à ciel ouvert, qui s’est écoulé pendant des jours et des jours, voire des semaines. Ce serait l’une des causes, il y en a sans doute d’autres tout autour du bassin, et là, il faut investiguer. D’où l’objet de la plainte, et de l’enquête, qui permettra de connaître de façon précise ce qu’il s’est passé », explique Joël Mellet, de la Sepanso Gironde.
Les plaignants mettent en cause l’urbanisation galopante du bassin d’Arcachon. Ils estiment que le SIBA est tiraillé entre deux de ses attributions : collecter et nettoyer les eaux usées, d’une part, et, d’autre part, la promotion touristique du territoire. Créé en 1964 avec l’ambition de protéger le plan d’eau et ses ostréiculteurs, le SIBA est géré par les élus des municipalités du bassin d’Arcachon.
« Le SIBA est confronté à une certaine schizophrénie, déplore Thierry Lafon. Il y a son ADN d’origine, et le fait qu’il est entre les mains de gens qui ne voient que par le développement. On est dans une logique de bétonnage, en passant outre des choses fondamentales pour protéger ce territoire, et notamment cette question des eaux pluviales, et faire abstraction du fait qu’on a un sol gorgé d’eau. » Le président du SIBA, le maire d’Arcachon, Yves Foulon (Les Républicains), et sa directrice générale, Sabine Jeandenand, n’ont pas répondu aux sollicitations du Monde.