Dans le détroit de Gibraltar, la vendetta de l’orque Gladis

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Une orque près d’un bateau de pêche marocain, dans le détroit de Gibraltar, en août 2015.

« Mayday. Mayday. Attaque d’orques. » La story Instagram d’April Boyes, postée fin mai, commençait comme toutes les autres de son genre : les eaux azur du détroit de Gibraltar, le coucher de soleil au loin. Jusqu’à ce qu’un groupe d’orques s’approche de son voilier de vingt mètres, le Mustique. En moins d’une heure, les animaux avaient arraché le safran et provoqué une voie d’eau au niveau du moteur. Les sauveteurs en mer de Barbate, sur la côte espagnole, ont dû faire intervenir un hélicoptère pour pomper ce qu’ils pouvaient avant de remorquer le bateau.

Au port se trouvait déjà la carcasse du Champagne, un yacht coulé par les mêmes cétacés. Quelques jours plus tard, au Portugal, les gardes-côtes de Faro reçoivent un appel d’un couple d’Anglais barricadés dans leur cockpit : une orque vient de s’en aller avec un morceau de leur gouvernail dans la gueule. Ils ont bien tenté d’appeler à l’aide le catamaran d’à côté, mais, lui aussi, a perdu un bout de son embarcation cet après-midi-là.

Dans le détroit de Gilbraltar, les gardes-côtes espagnols et portugais reçoivent désormais des appels plusieurs fois par semaine, parfois même par jour. Que cela soit pour des épisodes réellement sérieux qui nécessitent leur intervention – une demi-douzaine au mois de juin –, ou que des marins inquiets par les histoires qu’ils ont entendues paniquent en voyant les mammifères s’approcher de leur navire.

Plus de 250 embarcations endommagées depuis janvier

Depuis février 2020, plus de 500 incidents ont été enregistrés par l’Atlantic Orca Working Group (GTOA), un groupe de scientifiques créé ­spécialement pour observer le phénomène. Trois bateaux ont été coulés. Depuis janvier, les « interactions » – c’est ainsi que les chercheurs, soucieux de protéger cette espèce menacée, préfèrent nommer les incidents – se sont multipliées. Plus de 250 embarcations ont été endommagées, vingt-cinq ont dû être remorquées.

Renaud de Stephanis, docteur en sciences de l’environnement basé dans la région du détroit de Gibraltar et qui observe cette ­population d’orques depuis plus de vingt ans, pense qu’il s’agit là « d’un jeu », tout simplement. Pour s’amuser à faire tourner le bateau à 360 degrés. Le scientifique a d’ailleurs déjà perdu douze gouvernails lors de ses sorties en mer. « Ce profil d’espèce ne va pas se mettre dans des situations dangereuses. Elles ont dû se rendre compte progressivement qu’il n’y a pas de risque et ont inventé un jeu, que la matriarche apprend aux plus jeunes. »

Membre de l’unité mixte de recherche Marbec, Paul Tixier abonde : « Etant donné que ces interactions ont commencé à la sortie du premier confinement, nous nous sommes demandé si la reprise du bruit pour des animaux qui n’avaient encore jamais vécu la tranquillité qu’ils ont eue ­pendant le Covid n’avait pas joué un rôle là-dedans. Mais, finalement, je pense que c’est un jeu. Même si ce sont des animaux complexes dont on est loin de tout savoir. »

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