Des milliers d’hectares de forêts et de cultures détruits, des centaines d’habitations effondrées, des dizaines de sinistrés sans eau et ni électricité… Le bilan matériel est lourd après les incendies qui ont ravagé le nord-est de l’Algérie et fait au moins 34 morts.
Selon le ministre de l’intérieur, Brahim Merad, 140 incendies ont été recensés dans 17 préfectures. Outre les pertes humaines, les feux, surtout concentrés dans le nord-est, ont « ravagé de grandes surfaces forestières, de broussailles et d’arbres fruitiers », a dit le ministre, sans donner de chiffres. Des « instructions » ont été données aux autorités locales pour « lancer la constatation des dégâts et des pertes et recenser les sinistrés, afin de les indemniser dans les meilleurs délais », a-t-il ajouté.
Plus de 1 500 personnes ont dû être évacuées des nombreux villages frappés par les incendies très violents qui ont tout dévasté sur leur passage : maquis et champs cultivés, maisons, magasins, endommageant même des stations balnéaires. Le ravitaillement et l’aide aux sinistrés commencent à s’organiser, alors que l’eau et l’électricité ont été coupées. Des cellules psychologiques sont mises en place. « Nous avons besoin d’aide, de toute l’aide possible, nous avons besoin de vêtements, de matelas, de choses comme ça », a dit à l’AFP un homme rencontré dans un point de ravitaillement à Bejaïa, à 250 km d’Alger, zone la plus touchée par les feux que les secours ont mis trois jours à éteindre.
A Aït Oussalah, près du hameau de Toudja, seize personnes, « soit 10 % des habitants », selon des témoins, ont été brûlées vives alors qu’elles tentaient de fuir. Tahar Chibane, 35 ans, a perdu une bonne partie de sa famille : « Il y a eu seize morts, dont six de la famille Chibane et neuf de la famille Zenoud. Nous avons perdu 99 % de nos terres », a-t-il dit à l’AFP lors de funérailles, mercredi 26 juillet, dans la localité de Souk El-Dejemaa. « Je ne peux pas trouver les mots pour dire l’importance d’une âme, l’âme n’a pas de valeur, nous sommes encore debout mais comment peut-on rester sain d’esprit quand on a perdu d’un seul coup sept ou huit membres de sa famille ? », a confié à l’AFP Djoudi Zenoud, venu aussi enterrer un proche.
Quatorze incendies en Tunisie
Un juge d’instruction a ordonné le placement en détention provisoire de douze personnes pour leur implication dans le déclenchement des feux de forêt dans plusieurs wilayas, a indiqué jeudi un communiqué du procureur de la République du tribunal de Sidi M’hamed, à Alger.
Au moins trois témoins ont déploré auprès de l’AFP des retards dans l’intervention des secours et un manque de moyens. « La population locale a joué un rôle crucial pour éviter l’extension de certains foyers. Nous avons utilisé des seaux en plastique remplis grâce au camion d’un bénévole et nous sommes montés dans la forêt pour lutter contre les flammes », a déclaré un des volontaires, Mohammed Saïd Omal.
Chaque été, le nord et l’est de l’Algérie sont frappés par des feux de forêt, un phénomène qui s’accentue d’année en année sous l’effet du changement climatique, entraînant sécheresses et canicules. En août 2022, de gigantesques incendies avaient fait 37 morts dans la région d’El Tarf (nord-est). L’été 2021 avait été le plus meurtrier depuis des décennies : plus de 90 personnes avaient péri dans le nord, en particulier en Kabylie.
De l’autre côté de la frontière, en Tunisie, les estimations des dégâts ont également démarré après des feux qui ont touché surtout des zones boisées près de Tabarka (nord-ouest), épargnant la plupart des zones habitées. « Les quatorze incendies dans sept régions ont été maîtrisés. Entre dix et vingt habitations ont été endommagées et il y a de grandes destructions de forêts, de terrains agricoles et d’oliviers », a dit à l’AFP jeudi Moez Triaa, porte-parole de la Protection civile, soulignant que les pertes dépasseront les 2 000 hectares détruits l’année précédente. Un couple avait ouvert en 2019 un écolodge dans la forêt au-dessus de Tabarka, qui a entièrement brûlé : « Pour nous, c’est notre vie, la valeur ce n’est pas l’argent mais notre engagement », a expliqué à l’AFP Adel Selmi.