L’Elysée a relancé, mercredi 19 juillet, le processus contesté de fusion des deux institutions chargées de la sûreté nucléaire en France, chargeant le gouvernement de préparer un projet de loi en ce sens « d’ici à l’automne ».
Cette opération, annoncée par la présidence de la République, Emmanuel Macron, trois mois après le rejet par le Parlement d’un premier projet de fusion, réunirait en une nouvelle « grande autorité indépendante » l’Institut de radioprotection et sûreté nucléaire (IRSN), expert de la sûreté, et l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), chargée des décisions concernant les centrales, selon un communiqué.
« [L’autorité,] dont les moyens financiers et humains seraient renforcés (…) permettra d’adapter la sûreté nucléaire face aux trois défis de la relance » du nucléaire civil voulue par le chef de l’Etat, a ajouté l’Elysée.
Ces « défis » sont « la prolongation du parc existant », la « construction de nouveaux EPR », des réacteurs de nouvelle génération, et « le développement de petits réacteurs modulaires innovants », a énuméré l’exécutif.
Concertations
Le Conseil de politique nucléaire (CPN), réuni mercredi à l’Elysée, « a confirmé la volonté du gouvernement d’avancer en ce sens en veillant à ce que l’ensemble des missions de l’ASN et l’IRSN soient préservées », selon la même source.
Le CPN a donc « donné mission à la ministre de la transition énergétique [Agnès Pannier-Runacher] d’engager les concertations avec les parties prenantes et les parlementaires en vue de préparer un projet de loi », a complété la présidence.
Cette annonce est survenue une semaine après que les auteurs d’un rapport parlementaire eurent préconisé la fusion des deux institutions, face à la montée attendue de la charge de travail dans le suivi des centrales, présentes et futures.
La réforme, venue de l’Elysée, avait été rejetée en avril par le Parlement, sur fond de critiques sur la méthode et d’inquiétudes pour la transparence et la qualité de l’expertise. Depuis l’annonce des intentions présidentielles, les salariés de l’IRSN mais aussi des experts du nucléaire, des parlementaires, s’opposent à ce projet de regroupement : ils y voient une perte d’indépendance, de compétence et de capacité d’expression des experts.
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La semaine dernière, l’intersyndicale de l’IRSN avait notamment qualifié le rapport parlementaire de « partiel et partial ».
Des EPR2 au Bugey
Après de multiples allers-retours, le Parlement avait adopté en mai le projet de loi de relance du nucléaire. Mais, malgré la volonté du gouvernement, un volet prévoyant une réforme de la sûreté nucléaire avait été rejeté le mois précédent. A l’époque, le ministère de la transition énergétique avait jugé qu’il était « trop tôt » pour décider de la suite de cette réforme, sans donc l’enterrer définitivement.
A l’issue du CPN, mercredi, la présidence a également révélé avoir choisi le site nucléaire de Bugey (Ain) pour accueillir la troisième paire de futurs réacteurs de nouvelle génération EPR2. Les sites de Penly (Seine-Maritime) et de Gravelines (Nord) avaient déjà été désignés pour la construction de deux EPR2 chacun.
Emmanuel Macron avait annoncé, en février 2022, deux mois avant d’être réélu, un vaste plan de relance du nucléaire civil, avec la construction de six à quatorze réacteurs de nouvelle génération d’ici à 2050. « La localisation de la première phase du programme de construction d’EPR2 est ainsi désormais arrêtée », a relevé l’Elysée. EDF avait évoqué deux emplacements possibles – le Bugey et le Tricastin (Drôme) – pour cette troisième installation. « Les études techniques et les analyses se poursuivront sur le site de Tricastin dans la perspective d’accueillir de futurs réacteurs nucléaires », selon le communiqué.
La présidente du conseil départemental de la Drôme, Marie-Pierre Mouton, a fait part, dans un communiqué, de sa « très grande déception », au nom de Tricastin et « de tout un bassin de vie étendu à quatre départements et trois régions », reconnaissant que le dossier technique du Bugey « avait une petite longueur d’avance ». « Nous nous tenons prêts à accueillir les prochains EPR qui seront nécessairement programmés très rapidement », a-t-elle lancé.
Plus tôt, mercredi, le PDG d’EDF, Luc Rémont, a affirmé devant des députés que son entreprise récemment renationalisée allait devoir doper ses investissements à 25 milliards d’euros par an (contre 16,39 milliards en 2022). Il s’agit du niveau d’investissement requis, selon M. Rémont, pour répondre aux nombreux défis industriels du groupe, à commencer par la construction des nouveaux EPR2.