
Les indicateurs sont toujours dans le rouge, mais le tableau de la faim dans le monde est contrasté. Après six années de hausse continue, la faim et l’insécurité alimentaire n’ont pas augmenté au niveau mondial en 2022, mais restent à un niveau très élevé, bien supérieur à celui qui prévalait avant la pandémie de Covid-19, selon le rapport des Nations unies sur la sécurité alimentaire mondiale (rapport SOFI), publié mercredi 12 juillet. En 2022, 9,2 % de la population mondiale (735 millions de personnes) a souffert de faim chronique, c’est-à-dire de ne pas avoir accès à une alimentation suffisante pour mener une vie active (contre 7,9 % en 2019). L’insécurité alimentaire, une notion plus large qui désigne le fait de ne pouvoir bénéficier de façon régulière d’une alimentation adéquate (réduction des portions, sauts de repas, alimentation déséquilibrée…), touche, elle, 2,4 milliards d’individus, soit 29,6 % de la population.
Cette évaluation, cosignée par cinq agences – l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), le Programme alimentaire mondial, le Fonds international pour le développement agricole, l’Organisation mondiale de la santé et l’Unicef –, fait figure de thermomètre très scruté de l’état de développement de la planète. Il met en évidence un renforcement des déséquilibres : si des progrès ont été enregistrés en Asie et en Amérique latine, d’autres régions voient leur situation se dégrader fortement, comme au Moyen-Orient, dans les Caraïbes et, surtout, en Afrique. Le continent africain subit une aggravation de la malnutrition dans toutes ses sous-régions. Un Africain sur cinq ne mange pas à sa faim et 61 % des habitants souffrent d’insécurité alimentaire modérée ou sévère.
« Il est choquant que la faim augmente en Afrique depuis dix ans d’affilée », s’insurge Million Belay, coordinateur de l’Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique et membre du Panel d’experts internationaux pour des systèmes alimentaires durables (IPES-Food), qui pointe l’endettement comme cause majeure de l’insécurité alimentaire sur le continent, et le modèle productif mis en place. « Les exportations de cultures de rente [coton, cacao…] ont été privilégiées sur les cultures vivrières pour les communautés. Les pays africains ont été rendus particulièrement vulnérables aux effets économiques de la pandémie de Covid, de la guerre en Ukraine et du dérèglement climatique. »
« Multiplicité des crises »
« La dette étrangle les pays en développement, confirme Olivier de Schutter, coprésident du Panel IPES-Food et rapporteur spécial des Nations unies pour l’extrême pauvreté, avec deux phénomènes : une chute de la valeur des monnaies locales par rapport au dollar, qui renchérit le remboursement de la dette, et la hausse des taux d’intérêt. C’est une spirale intenable. »
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