Sous une chaleur étouffante, les Rencontres économiques qui se tenaient à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) du 7 au 9 juillet ont tenté de nouveau de mettre en lumière les changements d’un monde menacé par les désordres climatiques, économiques, sociaux et politiques. A mesure que ces défis s’insèrent dans la société et aux cœurs des entreprises, les milliers de participants ont surtout vu émerger les tensions que crée ce basculement.
L’essayiste Jacques Attali anticipe la disparition de l’humanité sous les coups de boutoir de « l’économie de la mort », celle des énergies fossiles, de l’agriculture « désastreuse », de la drogue, de la tyrannie du court terme et du moi d’abord. Pour lui, elle représente 60 % de notre production actuelle de richesse mesurée par le PIB. Pour éviter la catastrophe annoncée, il propose un basculement massif vers « l’économie de la vie », centrée sur l’éducation, la santé, la mobilité et l’énergie durable, l’alimentation saine, la culture, la démocratie. « Nous avons intérêt au bonheur des générations futures », dit-il.
Qui ne serait pas d’accord ? Mais comment faire concrètement ? Il propose de modifier la Constitution en spécifiant que toute décision contraire à l’intérêt des générations futures serait déclarée inconstitutionnelle. Mais alors, lui répond Clément Beaune, le ministre des transports du gouvernement Borne, que resterait-il au gouvernement comme marge de manœuvre si tout est gravé dans le marbre ; et à la démocratie pour exister si elle ne peut plus proposer au peuple d’alternative ?
Chacun sa méthode
L’écrasante majorité des gens est d’accord pour entrer dans la transition vers une économie plus durable, mais comment et à quel rythme ? Chacun y va de sa méthode en fonction de sa localisation professionnelle. Pour Luc Rémont, le nouveau PDG d’EDF, la transition réussie passe par un système électrique déployant tous les modes de production, mais construit sur un solide socle nucléaire, seule énergie commandable et décarbonée.
Une vision très française que nuance son homologue d’Engie, Catherine MacGregor. Elle parle d’un système énergétique et non électrique que l’on conduirait vers la décarbonation en remplaçant progressivement le gaz naturel par du biogaz (issu de la biomasse) et, plus tard, de l’hydrogène. Elle note que des pays aussi différents que l’Espagne et l’Allemagne produisent aujourd’hui 50 % de leur énergie avec du renouvelable.
Une autre tension émerge, encore plus existentielle. Si l’on veut accélérer la transition climatique, l’urgence impose de s’équiper immédiatement… d’équipements chinois. Et cela, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, n’en veut pas. Son rêve à lui est de faire de la France le champion mondial de l’industrie verte d’ici 2050. Une ambition louable mais qui saute par-dessus la difficulté de réindustrialiser la France en courant derrière la Chine ou l’Allemagne dans l’espoir de les rattraper. Quitte à faire un peu de protectionnisme « à l’américaine » en mettant des bâtons dans les roues des voitures électriques chinoises.
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