Une foule se presse, en ce début de soirée du 9 décembre, devant une scène surplombée d’une haute menorah attendant d’être illuminée. Plusieurs représentants de la communauté juive de la ville de Dnipro se succèdent pour rappeler la signification de la Fête des lumières et établir des parallèles entre les tragédies actuelles en Ukraine et en Israël. Les discours laissent place aux célébrations avec concerts et danses, sous le regard indifférent des passants de l’avenue Dmitry-Yavornitsky et d’une poignée de policiers engourdis par le froid.
« Nous sommes reconnaissants aux autorités de Dnipro d’être si bienveillantes envers nous », explique sur scène le rabbin de Dnipro et de sa région, Shmuel Kaminetsky, après avoir allumé cinq chandelles. Il s’exprime en russe (avec un fort accent étranger) au lieu de l’ukrainien, qui est devenu la norme pour les prises de parole en public.
Le rabbin, qui est né en Israël et a longtemps vécu aux Etats-Unis, enchaîne sur la signification « singulière » de Hanoukka en 2023. Il fait allusion à l’invasion russe de l’Ukraine et à la résistance de cette dernière : « Lorsqu’une nation s’impose à une autre, cela ne fonctionne pas ; Deux mille deux cents ans plus tard, l’histoire se répète. » Hanoukka commémore la bataille victorieuse menée par une partie des Hébreux contre l’assimilation hellénistique imposée par roi séleucide Antiochos IV. Pesant ses mots, le rabbin espère « un miracle prochain » et « le retour de la paix en Israël ».
Empathie envers les Israéliens
« C’est la première fois dans l’histoire ukrainienne que se manifeste un tel sens de l’unité », se félicite Zelig Brez, responsable de la communauté juive de Dnipro. Il doit presque hurler pour se faire entendre sous les pulsations de la musique pop israélienne sortant des enceintes. « L’Ukraine nous soutient. Il s’agit d’une étape totalement nouvelle dans les relations entre le peuple ukrainien et le peuple juif. Elles culminent aujourd’hui. L’Ukraine a longtemps été divisée, désunie. Désormais, la nation réunit toutes ses composantes. » Pour le rabbin Brez, l’Ukraine cabossée par la guerre s’identifie à Israël, qui « traverse aussi une période difficile après l’agression du Hamas ». Le fait que le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, soit d’origine juive « n’est pas un facteur d’identification, ou bien de manière très indirecte », estime-t-il.
Quelques centaines de mètres plus loin, au sixième étage du Centre Menorah, un colossal bâtiment de vingt étages dont la forme évoque celle d’un chandelier à sept branches, le directeur de la fondation de bienfaisance Hesed Menachem, Oleg Rostovtsev, médite sur le destin de la communauté juive de Dnipro. « L’exode des juifs hors d’Ukraine est terminé. Tout le monde a compris que l’Ukraine ne s’effondrera pas. Beaucoup de ceux qui ont fui au début de la guerre sont revenus », explique cet homme à la courte barbe blanche portant une kippa stylisée en treillis. Lui-même se présente comme « nationaliste ukrainien » et considère que « les juifs, comme tous les autres peuples, ont le droit d’être nationalistes ».
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