Malgré un contexte mondial particulièrement chargé, Haïti a été au centre des discussions du Conseil de sécurité des Nations unies. Celui-ci a ainsi voté le 2 octobre l’envoi d’une « mission multinationale d’appui à la sécurité », et a adopté le rapport final sur le régime de sanctions appliqué à ceux qui soutiennent la violence dans le pays. Une façon de démontrer l’engagement de l’ONU. Mais cette agitation cache mal les limites et les contradictions de la diplomatie internationale.
La mise en place d’un régime de sanctions et la demande du gouvernement haïtien d’un déploiement d’une force armée spécialisée datent d’octobre 2022. Il a fallu attendre près d’un an pour que les Etats-Unis, à la manœuvre, mais ne souhaitant pas prendre le leadership, trouvent un pays candidat pour prendre la tête de cette mission multinationale : ce sera le Kenya. Et la Jamaïque, Barbade et Antigua-et-Barbuda se sont engagés à y participer.
Quant au régime de sanctions, le groupe d’experts vient de remettre son rapport final ; un rapport accablant, mais qui présente à la fois une analyse critique de la situation et un escamotage de son ampleur et de ses conséquences.
Sabotage délibéré
Au cours des huit premiers mois de l’année 2023, indique ce rapport, 3 334 personnes ont été tuées et 1 787 autres enlevées par les gangs. Une vingtaine d’entre eux, parmi les plus grands, sont regroupés dans deux coalitions, contrôlant 80 % de la zone métropolitaine de la capitale, Port-au-Prince. Nombre de leurs chefs paradent sur les réseaux sociaux, au bord de piscines ou dans des clips de rap, en plein cœur de la ville, étalant leur richesse et leur immunité. Mais, au-delà de ces figures spectaculaires – dont la principale est l’ancien policier Jimmy Chérizier, alias « Barbecue » –, l’intérêt particulier du rapport onusien est de montrer quel est le terreau de ces bandes armées.
Dans une « situation d’oligopole », où « les importations représentent environ 70 % des biens vendus dans l’économie formelle », celle-ci étant « contrôlée par un groupe relativement restreint de familles puissantes, qui mettent leurs intérêts commerciaux concurrents au-dessus de tout », les gangs, souligne le rapport, sont « instrumentalisés par l’élite politique et économique ainsi que par de hauts fonctionnaires ».
Le sabotage délibéré du système judiciaire et de l’Etat de droit garantit l’impunité, tandis que la mise à mal du contrôle des douanes et le siphonnage des ressources publiques témoignent « de la corruption endémique » (Haïti occupe la 171e place sur 180 selon l’Indice de perception de la corruption de 2022 [de l’ONG Transparency International]).
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