Crise électorale à Madagascar : les observateurs internationaux appellent au dialogue

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Leurs paroles étaient attendues Quarante-huit heures après une journée de vote boudée par la population, les trois groupes d’observateurs internationaux, Union Africaine, Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC en anglais) et Organisation internationale de la francophonie (OIF), ont présenté samedi 18 novembre les premiers résultats de leur mission et appelé – de manière plus ou moins directe – le gouvernement à ouvrir une concertation afin de sortir de la crise dans laquelle Madagascar s’enfonce depuis plusieurs mois.

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L’Union africaine a envoyé le message le plus clair : « Nous prenons acte de la tenue du scrutin présidentiel jeudi 16 novembre », a déclaré la cheffe de la mission d’observation électorale, la centrafricaine Catherine Samba-Panza avant d’« exhorter fortement le gouvernement à mettre en place un cadre de dialogue (…) réunissant toutes les forces vives afin de trouver une issue à la crise politique ». L’OIF a souhaité pour sa part « le rétablissement de la confiance et de l’Etat de droit » afin de préserver la stabilité du pays. La SADC s’est exprimée avec davantage de retenue.

Rajoelina en passe d’être réélu

Malgré les précautions sémantiques des diplomates, le message a été très mal reçu par le camp du président sortant, Andry Rajoelina. « Il n’y a jamais eu de crise politique. Il y a seulement eu quelques troubles créés par des candidats qui avaient peur d’aller au scrutin », a répliqué l’ancienne ministre de la culture et de la communication, Lalatiana Rakotondrazafy, interrogée par Le Monde. « Tout Madagascar a vécu dans le plus grand calme et la sérénité la période de campagne et la journée électorale. Aucun des observateurs n’a remis en cause ce processus électoral. Nous attendons calmement les résultats. Nous en prendrons acte et préparerons ensuite l’investiture. »

Selon les résultats partiels publiés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), dimanche matin, Andry Rajoelina enregistrait 63 % des voix pour un taux de participation de 42,3 % contre 54 % en 2018. Le président sortant s’achemine donc vers une réélection dès le premier tour comme il l’avait annoncé à ses partisans.

Le collectif des 10 candidats de l’opposition, qui a lancé un appel au boycott pour ne pas cautionner cette « mascarade électorale », se dit déçu par les déclarations des observateurs internationaux. « Cela fait des semaines que nous les avons alertées sur la situation, aucune (organisation internationale) n’a réagi, rappelle Hajo Andrianainarivelo, président du parti MMM (Malagasy Miara Miainga). Leur appel au dialogue ne résout pas le fait que le vote des Malgaches a été volé. Nous aurions préféré qu’ils interviennent en amont pour désamorcer la crise plutôt que de la constater quand il est trop tard. »

Distributions d’argent

Les premières appréciations portées par la SADC sur le vote du 16 novembre qualifié de « généralement pacifique et exempt d’irrégularités » laissent également sceptiques. « Ils se sont perdus dans Madagascar ou ils sont aveugles », a commenté M. Andrianainarivelo, rappelant que la SADC a visité 209 bureaux de vote sur un total de plus de 27 000.

Le constat des émissaires de l’organisation régionale à laquelle appartient Madagascar est en tout cas loin d’être partagé par l’observatoire indépendant Safidy qui a réalisé la plus grande mission d’observation avec 5 000 représentants déployés dans toutes les régions. Tout en constatant un déroulement du vote « sans incidents majeurs », l’association de la société civile dont le travail a été financé par l’Union européenne, pointe de multiples irrégularités : personnes non inscrites sur les listes et sans pièce d’identité autorisées à voter, transport non sécurisé du matériel de vote, achat de voix par distribution d’argent et promesse de bénéficier de programmes sociaux une fois le candidat…

« Les observateurs ont particulièrement remarqué l’instrumentalisation par les partisans du candidat numéro 3 (Andry Rajoelina) du Tosika Fameno, un programme de protection sociale dédié aux ménages les plus vulnérables en leur promettant 100 000 ariary (environ 22 euros) par mois en échange d’intégrer le parti TGV (celui d’Andry Rajoelina) et de voter pour lui » , a expliqué la responsable de la communication, Carinah Ranaivojaonina, en présentant un rapport préliminaire à la presse. Des distributions d’argent, le plus souvent pour la somme de 30 000 ariary ont aussi été constatées en amont du vote. Les observateurs ont été la cible de menaces dans les bureaux de vote comme dans aucune autre campagne électorale auparavant.

A ce stade, aucune des missions internationales ne s’est avancée sur la validation ou non du scrutin. Celle-ci ne pourra intervenir qu’à l’issue du traitement de toutes les données recueillies par les observateurs, c’est-à-dire d’ici un mois.

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