L’homme qui avait attaqué Paul Pelosi – le mari de l’ex-cheffe démocrate américaine, Nancy Pelosi –, en octobre 2022, quelques jours avant les élections américaines de mi-mandat, a été reconnu coupable, jeudi 16 novembre, par un tribunal de San Francisco (Californie).
Les jurés ont condamné David DePape pour cette violente agression au marteau – au cours de laquelle il a fracturé le crâne de Paul Pelosi, alors âgé de 82 ans –, et ils l’ont également déclaré coupable de tentative d’enlèvement de Nancy Pelosi. Sa peine, qui peut aller jusqu’à la perpétuité, doit être prononcée ultérieurement.
A l’époque présidente de la Chambre des représentants des Etats-Unis, Nancy Pelosi était le troisième personnage de l’Etat américain et elle était régulièrement la cible de théories complotistes alimentées par l’extrême droite.
Le procès a montré comment David DePape, un charpentier canadien en situation illégale et assez solitaire, baignait dans un univers empreint de désinformation avant de passer à l’acte. Il a « délibérément ciblé » Nancy Pelosi « en raison de son travail, de son rôle dans notre système politique », a estimé la procureure, Helen Gilbert.
La première étape d’un plan plus vaste
Parfois en larmes, l’homme de 43 ans a raconté pendant le procès comment il était devenu un auditeur assidu de podcasts d’extrême droite. Sur les réseaux sociaux, il avait notamment partagé des publications affirmant que les élites américaines étaient corrompues et qu’elles s’adonnaient à la pédophilie, ou encore que l’élection présidentielle de 2020 avait été volée à Donald Trump.
Paul Pelosi « n’a jamais été ma cible et je suis désolé qu’il ait été blessé », a assuré David DePape. Il a expliqué l’avoir agressé lorsqu’il a compris que son « plan avait essentiellement échoué ». En pénétrant par effraction avec de la corde, des gants et du ruban adhésif au domicile du couple Pelosi, à San Francisco, il voulait initialement s’en prendre à la parlementaire, qui se trouvait à Washington ce jour-là. Il a avoué aux enquêteurs qu’il projetait de lui « briser les rotules » si elle n’avouait pas les « mensonges » du camp démocrate.
Mais séquestrer Nancy Pelosi n’était que la première étape d’un plan plus vaste, a reconnu le prévenu face au tribunal. Son projet nébuleux comportait d’autres cibles, incluant notamment le gouverneur démocrate de Californie, Gavin Newsom, le fils du président Joe Biden, Hunter Biden, et l’acteur Tom Hanks.
Sa défense s’est attachée à dépeindre un homme consumé par ce qu’il pensait être une croisade anticorruption. Une ligne qui a amené David DePape à plaider non coupable. Sans contester l’agression, ses avocats soutenaient qu’il était avant tout mû par ses croyances complotistes, et qu’il ne visait pas spécifiquement Nancy Pelosi en sa qualité de responsable fédérale – un facteur essentiel selon l’accusation pour comprendre à la fois l’agression et le projet d’enlèvement.
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« M. DePape a fait des choses horribles (…), il a commis des crimes graves cette nuit-là », a reconnu son avocate Angela Chuang. « Mais il n’a pas commis ces deux crimes » à cause de la fonction officielle de Nancy Pelosi, a-t-elle insisté.
« Tellement traumatisant »
Pendant l’intrusion de David DePape, Paul Pelosi avait réussi à alerter la police, qui est intervenue in extremis. L’agression avait été filmée par la caméra-piéton des agents de San Francisco. Des images que l’octogénaire, qui avait été hospitalisé pendant près d’une semaine et a dû être opéré, se refuse toujours à voir plus d’un an après les faits. « Cela a été tellement traumatisant. J’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour ne pas revivre cela », a-t-il raconté aux jurés.
Survenue à quelques jours des élections de mi-mandat, l’affaire avait illustré la gravité des effets de la désinformation sur la campagne, ainsi que les profondes divisions de l’Amérique. Certains membres du Parti républicain avaient moqué l’attaque ou avaient exprimé un certain scepticisme, malgré les images.
Le patron de X, Elon Musk, avait relayé – avant de l’effacer – une théorie complotiste destinée à minimiser la portée de l’agression, en suggérant qu’il s’agissait d’un rendez-vous à caractère sexuel qui aurait dérapé.
Après ce procès fédéral, David DePape doit désormais être jugé par la justice californienne.