Le mois dernier, en octobre, alors qu’Israël intensifiait sa campagne aérienne à Gaza, la maison de mon ami Raji Sourani, directeur du Centre palestinien pour les droits de l’homme, a été soufflée par les bombes. Trois jours plus tôt, M. Sourani avait confié à la télévision américaine : « Je suis enraciné ici comme un olivier, nous ne quitterons jamais notre terre natale. » Mais, quand les bombes se sont mises à pleuvoir sur sa maison, il s’est demandé s’il n’avait pas fait une erreur en refusant de partir. Il ne voulait pas participer à « une nouvelle Nakba [l’exil des habitants de la Palestine pendant la guerre de 1948] », a-t-il ensuite expliqué à ses amis.
Si je vous raconte cette histoire, parmi toutes les exactions commises à la suite des atrocités du Hamas le 7 octobre, c’est que M. Sourani, promu chevalier de l’ordre national du Mérite en 2021, incarne depuis trente ans le combat pour obtenir justice face aux crimes israéliens, qu’il s’agisse des punitions collectives, de la colonisation illégale ou de l’apartheid.
Nous étions assis côte à côte à La Haye en décembre 2020 – moi avocat juif, lui avocat palestinien –, alors qu’il exhortait la procureure générale de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, les yeux dans les yeux, à montrer aux Palestiniens qu’ils pouvaient faire confiance à la CPI pour être entendus, que le droit pénal international avait encore un sens et que la violence n’était pas la seule arme à leur disposition.
Et pourtant, cela fait près de quinze ans que les plaintes des Palestiniens à la CPI sont traitées avec une lenteur insoutenable. L’Autorité palestinienne a soumis à la cour une déclaration reconnaissant sa compétence dès janvier 2009, à la suite de l’opération israélienne « Plomb durci », qui a fait plus de 1 400 morts parmi les habitants de Gaza. Mais, sous forte pression des Etats-Unis, qui ne sont pourtant pas partie à la CPI, le procureur Luis Moreno Ocampo a d’abord passé trois longues années à se demander si la Palestine avait la qualité juridique pour soumettre une telle déclaration, avant de renvoyer la question à d’autres organes de l’ONU.
« Scène de crime »
Une fois reconnue comme un Etat observateur par l’Assemblée générale de l’ONU, la Palestine a pu ratifier le statut de Rome de la CPI en 2015. Mais Mme Bensouda a ensuite mené, selon ses propres termes, un « examen préliminaire minutieux (…) pendant près de cinq ans » avant d’ouvrir une enquête formelle, en mars 2021. Elle faisait alors l’objet de sanctions de la part de l’administration Trump pour son enquête sur les crimes présumés des Etats-Unis en Afghanistan – des sanctions qui visaient aussi à dissuader toute action de la CPI sur la Palestine. Même quand l’administration Biden a levé ces sanctions, en 2021, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, n’a pas manqué de réitérer l’« objection de longue date [de Washington] aux efforts de la cour pour affirmer sa compétence sur les ressortissants d’Etats non parties, tels que les Etats-Unis et Israël ».
Il vous reste 55% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.