D’une seule voix, les pays arabes et musulmans rassemblés le 11 novembre à Riyad, à l’initiative du prince héritier Mohammed Ben Salman, ont vivement condamné l’offensive militaire israélienne en cours dans la bande de Gaza et appelé à un cessez-le-feu immédiat.
Cette unanimité des membres de la Ligue arabe et de l’Organisation de la coopération islamique a surtout été le moyen de masquer des divergences sans doute insurmontables, tout comme une indéniable part de responsabilité dans la tragédie en cours. Prompts à dénoncer l’hypocrisie des Occidentaux, comme n’a pas manqué de le faire le président turc, Recep Tayyip Erdogan, ces pays sont bien moins loquaces lorsqu’il s’agit de la leur.
En 2002, le saoudien Abdallah, alors prince héritier, avait courageusement défendu une initiative de paix centrée sur la solution à deux Etats, la création d’une Palestine aux côtés d’Israël, pour tenter de mettre un terme au conflit israélo-palestinien. Cette proposition offrait en échange la normalisation avec Israël des membres de la Ligue arabe, à quelques exceptions près.
Cette initiative traitée alors avec mépris par Israël s’est hélas perdue dans l’enlisement puis la disparition de la moindre négociation entre les deux parties. Mais elle a surtout été condamnée par la décision, en 2020, des Emirats arabes unis, de Bahreïn, puis du Maroc et du Soudan, de normaliser leurs relations avec l’Etat hébreu sans la moindre contrepartie, même symbolique, pour les Palestiniens.
Le neveu d’Abdallah, Mohammed Ben Salman, poussé par l’administration Biden, pourrait lui aussi sauter le pas après un délai de décence, privant définitivement les pays arabes du moindre levier dans un dossier dont un bon nombre d’entre eux se sont détournés. Sans le reconnaître, certains envisagent certainement sans déplaisir l’éradication du Hamas, l’objectif affiché par l’armée israélienne.
Gesticulations turques et iraniennes
Ces régimes, qui ne se soucient guère des avis de leurs opinions publiques sur la question palestinienne, comme sur bien d’autres, sont donc incapables de s’entendre avec les Etats, certains particulièrement autoritaires, qui campent, eux, dans le camp de l’intransigeance vis-à-vis d’Israël. Ce sont ces derniers qui se sont montrés les plus virulents à Riyad, qu’il s’agisse de l’Iran, de la Turquie, de l’Algérie ou de la Syrie. C’est d’ailleurs toute honte bue que le maître de Damas a dénoncé l’offensive israélienne. Le siège impitoyable imposé par son régime au camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk, au sud de Damas, pendant la guerre civile lui confère une certaine expertise.
Ces divisions arabes et musulmanes produisent une impuissance coupable alors que les morts et les destructions s’amoncellent à Gaza. Les participants au sommet de Riyad, une fois les condamnations d’Israël et les gesticulations turques et iraniennes passées, ont décidé de ne rien faire. Ils n’ont pas avancé la moindre proposition de l’envergure de l’initiative de 2002, ni ouvert la moindre perspective pour le « jour d’après ».
Cette question taraude pourtant toutes les chancelleries, compte tenu de l’état du camp palestinien, entre un Hamas qui s’est lui-même ostracisé avec les massacres barbares du 7 octobre et une Autorité palestinienne moribonde. Paralysés entre attentisme, notamment de Mohammed Ben Salman, et outrances, les « frères » arabes des Palestiniens n’ont apporté aucune réponse.