Dans le nord du Mali, la bataille de Kidal est engagée entre l’armée et la rébellion touareg

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Des véhicules de la Coordination des mouvements de l’Azawad, une coalition de groupes touareg, à Kidal, en septembre 2020.

La bataille de Kidal a commencé, samedi 11 novembre, sans témoin, sans image et en l’absence de communication autre que la propagande des deux camps. Dimanche, sur les réseaux sociaux, l’armée malienne, forte de ses moyens terrestres mais surtout aériens, du nombre de ses soldats déployés et de l’appui des mercenaires de la société paramilitaire russe Wagner, affirmait avoir réalisé « des avancées très significatives », prétendant avoir « complètement dispersé les positions des groupes armés terroristes », dont « les rescapés se sont réfugiés dans les collines environnantes ». La veille, elle assurait avoir « brisé la ligne défensive dressée » par ses ennemis, désormais « en débandade ».

Face aux Forces armées maliennes (FAMA) et à leurs supplétifs, le Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD), qui réunit la majeure partie des groupes armés majoritairement touareg, a pour lui la maîtrise de ce terrain désertique et la mobilité de ses combattants. Dimanche, dans un communiqué, il indiquait avoir attiré « dans un piège », sur un plateau entre Tin Akaola et Agalhik, à 25 km à l’ouest de Kidal, ses adversaires, dont « tous les flancs sont bloqués ».

Deux jours plus tôt, alors que le déclenchement des combats autour de Kidal semblait imminent, les rebelles avaient coupé le réseau téléphonique. Depuis, en dehors des liaisons satellites, Kidal et ses environs sont injoignables, rendant toute vérification des faits impossible. Aucun bilan humain ou matériel des affrontements n’était possible lundi matin.

Seule certitude dans le flou actuel : Kidal, bastion des insurrections touareg depuis l’indépendance du Mali, en 1960, n’est pas tombée et continue de vivre dans la crainte des bombardements aériens. Depuis la nuit du 3 au 4 novembre, de premières frappes de drones Bayraktar TB2, de fabrication turque, reçus par Bamako, ont visé la ville. Mercredi, le CSP-PSD avait déjà dénoncé la mort de quatorze civils, dont huit enfants, et 30 blessés dans ces opérations menées depuis les airs. Elles n’ont pas cessé depuis.

Course de vitesse

Dans la bataille ouverte pour la reprise de Kidal – dont la chute aux mains de la rébellion, en 2012, constitue pour Bamako un affront à son honneur national –, les drones offrent à l’armée malienne un avantage stratégique considérable, alors que celle-ci s’est rapprochée de son objectif, sans jusqu’ici pouvoir l’atteindre par une opération terrestre. Les soldats et leurs supplétifs russes étaient notamment positionnés à Anéfis, à 110 km au sud-ouest, depuis plusieurs semaines, et à Tessalit, à 200 km au nord, depuis le 21 octobre, après que les casques bleus ont quitté la ville sous pression des autorités de transition.

Depuis que les militaires au pouvoir ont demandé à la mission des Nations unies, la Minusma, de se retirer du territoire malien d’ici à la fin de l’année, les casques bleus ont en effet commencé à libérer leurs bases dans le nord du pays, suscitant de fait une course de vitesse entre la junte et les rebelles, chacun tentant de s’emparer du lieu vacant pour affirmer son contrôle des zones disputées. Alors que l’ONU a abandonné son camp à Kidal le 31 octobre, aussitôt réinvesti par le CSP-PSD, la Minusma a indiqué qu’à la date du 10 novembre, quelque 6 500 de ses employés en uniforme (sur les 12 944 que compte la mission) et 196 civils (sur 737) avaient déjà quitté le Mali.

Alors que l’accord de paix d’Alger signé en 2015 entre les parties semble aujourd’hui enterré et que les voies de résolution pacifique du conflit s’éloignent chaque jour un peu plus, l’une des interrogations porte sur le rôle que pourrait jouer ces prochains jours le principal mouvement djihadiste de la zone. A la tête du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), Iyad Ag Ghali, ex-leader rebelle touareg devenu la figure de proue d’Al-Qaïda dans la région, a toujours maintenu un lien avec les cadres du CSP-PSD. Selon des sources concordantes, leur dernière rencontre secrète dans les environs de Kidal remonterait au mois d’octobre. Les deux parties se seraient alors mises d’accord sur « un pacte de non-agression », selon un chef rebelle.

Une union des forces avec les islamistes armés serait pour la rébellion un pari dangereux. Si elle lui offrirait des hommes et des moyens supplémentaires dans son combat du moment, elle donnerait également du crédit à la communication de la junte, qui désigne ses ennemis sous le seul vocable de « terroristes », et présenterait le risque de voir les rebelles une nouvelle fois submergés par les djihadistes. En 2012, ces derniers avaient su profiter des coups portés à l’armée malienne par les groupes indépendantistes pour imposer leur force et leur loi sur tout le nord du Mali.

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