Guerre Israël-Hamas : plongée dans le quotidien du conflit à Gaza grâce aux messages d’un photographe

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La conversation WhatsApp est née d’un atelier à Beyrouth, au Liban, en septembre 2022. Vingt photographes arabes s’y étaient liés d’amitié et, via le réseau social, franchissaient virtuellement les frontières qui coupent la région. Depuis le 7 octobre, tous n’attendent plus que les rares nouvelles que parvient à envoyer l’un d’eux, Sameh – Nidal Rahmi, qui vit à Gaza et écrit tantôt sur le groupe, tantôt directement au photographe libanais Gabriel Ferneini.

Dès les premiers jours de l’offensive israélienne lancée en représailles à l’attaque du Hamas, l’électricité est coupée, l’accès au monde extérieur restreint. Celui que tous surnomment affectueusement Abou Beirut – le père de Beyrouth, en arabe –, parce qu’il a nommé l’aînée de ses deux filles en hommage à la capitale libanaise, tente de photographier l’enclave à l’agonie.

Le 13 octobre, préparant le transfert forcé d’une partie de la population – en violation du droit international –, l’armée israélienne largue des prospectus, qui somment les Gazaouis vivant dans le nord de l’enclave de fuir vers le sud. Sameh, sa femme et ses deux filles, âgées de six et un an, s’installent chez ses beaux-parents, à Deir al-Balah, dans le centre, au milieu des champs. Sameh sort ses filles dans le jardin, sous les arbres fruitiers. Ses parents, sa sœur et sa famille les rejoignent.

« Cette vie n’en est pas une »

« Il n’y a guère de bâtiments autour. Cela me fait peur et me rassure en même temps. S’ils bombardent, ils viseront certainement les terrains agricoles où nous sommes. Mais, sans immeuble à proximité immédiate, nous ne finirons pas blessés par des débris d’une explosion sur une maison voisine », explique-t-il au Monde.

Pour le journal, Sameh essaie de capturer des scènes de vie quotidienne, avec les siens. Mais il bute sans cesse sur le manque de connexion et ne peut envoyer ses photos. Les photographes du groupe WhatsApp tentent de jouer les intermédiaires ; finalement un autre récit trouve son chemin, à travers ses messages et ses appels.

Vue de la ville de Gaza, lors d’une frappe aérienne israélienne, le 7 octobre 2023. Ce jour-là, des sources médicales à Gaza affirment qu’au moins 198 Palestiniens ont été tués dans les attaques aériennes israéliennes lancées après l’offensive du Hamas contre Israël.
Vue de la ville de Gaza, lors d’une frappe aérienne israélienne, le 7 octobre 2023.

Hôpitaux, zones résidentielles, écoles… Les bombes n’épargnent aucun lieu de l’enclave. Des dizaines de familles sont rayées de l’état civil. « Je suis en train de perdre tous mes amis. A chaque fois que je demande des nouvelles de quelqu’un, on me dit qu’il est mort ou sous les décombres », confie Sameh.

Une morgue dans la ville de Gaza, le 10 octobre 2023.

Sameh est hanté par l’idée de survivre à ses filles : « Je me suis mis à avoir peur de dormir, à détester le repos et la nuit. Dès que le jour disparaît, il y a beaucoup de combats et de bombardements tout autour. Ils larguent beaucoup de phosphore blanc. Certains bombardements, qui viennent d’on ne sait où, sont tellement forts qu’on a l’impression que ça explose à l’intérieur même de la maison. Je dors deux heures puis je me mets à penser de quelle manière le bâtiment pourrait s’écrouler sur nos têtes, je me demande qui nous sortira des décombres… J’essaie de garder les filles au plus près de nous, comme ça, si quelque chose arrive, elles seront avec nous. Tu entends les drones ? C’est vingt-quatre heures sur vingt-quatre au-dessus de nos têtes… Cette vie n’en est pas une. »

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