L’expression « daechisation du Hamas » a été largement employée pour qualifier l’escalade des modes opératoires du groupe lors des attaques du 7 octobre, malgré ses divergences idéologiques avec l’Etat islamique (EI). Ces massacres, d’une magnitude sans précédent, se sont également avérés d’une ultraviolence inédite. Accumulation de haine fanatique, ou calcul politique pour provoquer des représailles massives et embraser la région, cette ultraviolence s’inscrit aussi dans le sillage de sa médiatisation par l’EI : en enchérissant dans la brutalité et surtout en la diffusant en ligne, l’EI a non seulement mis l’impensable à portée de clic mais l’a, dans une certaine mesure, également normalisé.
Le Hamas et l’EI partagent désormais cette brutalité extrême des modes d’action. Mais la manière dont ils l’exploitent et la médiatisent comporte des différences, révélatrices du positionnement et de la stratégie de chacun. L’EI avait pour objectifs de devenir leader de marque de l’offre djihadiste et de peupler son « califat ». C’est dans cette optique que le groupe a révolutionné l’usage du champ numérique et mis en place une véritable machinerie médiatique : une production de masse de contenus travaillés, scénarisés et distribués de manière très organisée, notamment sur les réseaux sociaux.
Mais c’est surtout l’omniprésence de la brutalité qui constitue sa marque de fabrique : les exactions de l’EI sont médiatisées de manière systématique, y compris les mises à mort, qui sont diffusées sous sa marque propre. Cette signature représente un marqueur d’ultraradicalité au sein de la sphère djihadiste et permet au groupe de s’y positionner clairement. Si la stratégie numérique du Hamas, dans le cadre des attaques du 7 octobre, se rapproche de celle de l’EI, elle comporte des spécificités significatives.
Une ultraviolence médiatisée
Les attaques ont été largement médiatisées. Dès le matin du 7 octobre ont émergé dans les sphères pro-Hamas des images témoignant d’une violence hors norme. Très crues, non scénarisées, elles montrent des exactions dont le visionnage est éprouvant : violences acharnées, prises d’otages de civils et de militaires terrorisés, ligotés, à moitié nus, et autres séquences particulièrement dérangeantes, comme celle d’un garçon israélien harcelé par des enfants et des adultes à Gaza.
Ces vidéos ont essentiellement été réalisées par des membres du Hamas (ou d’autres groupes, ou encore des civils ayant participé aux massacres sous sa direction) et publiées spontanément sur divers canaux, messageries ou réseaux sociaux. En cela, le Hamas s’inscrit dans la même logique que l’EI : l’ultraviolence est bel et bien médiatisée. Cela atteste d’une volonté claire d’en amplifier l’impact et permet au groupe de montrer à ses soutiens extrêmes sa détermination la plus radicale.
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