Vladimir Poutine et Xi Jinping aiment à qualifier les relations entre leurs deux pays de « partenariat stratégique complet pour une nouvelle ère, n’interdisant aucun domaine de coopération ». La proximité entre les deux dirigeants établie à l’occasion de plus d’une quarantaine de rencontres, leur très forte connivence idéologique et politique, la solidarité antiaméricaine et anti-occidentale ainsi que la bonne tenue des relations économiques pourraient parfaitement justifier cette appellation.
Toutefois, ces rapports n’ont jamais été totalement paisibles au cours de leur longue histoire. Depuis les tout premiers contacts établis au XVIIe siècle, les périodes d’hostilité ouverte ou sourde ont toujours été plus longues que les périodes d’amitié et de fraternité. Et dans tous les cas, une profonde défiance a toujours marqué leurs relations.
La première période d’hostilité ouverte a duré plus de cinquante ans, entre 1860 et 1911, année de la chute de la dynastie Qing. L’Empire russe avait alors activement participé au « break up of China », la ruée vers la Chine, de concert avec les puissances coloniales européennes et le Japon. Saint-Pétersbourg en avait été du reste le plus grand bénéficiaire en s’emparant, en vertu des « traités inégaux », de près de 2 millions de kilomètres carrés. Le souvenir de ces spoliations, même mises sous le boisseau par l’autorité chinoise actuelle, est toujours présent dans la mémoire des Chinois.
« Communiste de margarine »
La seconde période de franche hostilité a eu lieu au cours des années 1960 et 1980, soit pendant plus de vingt ans, lorsque les relations entre les deux puissances communistes s’étaient dégradées au point de les amener au seuil de la guerre nucléaire. La raison première a été assurément la prétention de Mao de ravir aux dirigeants soviétiques qui ont succédé à Staline la direction du mouvement communiste international.
En revanche, il est possible de qualifier de « douce-amère » la période débutant avec la révolution bolchevique de 1917 – « l’événement volcanique qui illumina la conscience de l’élite chinoise », selon François Fejtö, l’éminent historien du mouvement communiste international et se terminant par la fondation de la République populaire de Chine (RPC) par Mao en 1949.
Certes, l’Union soviétique de Lénine et de Staline avait tout au long de ces trente-deux années puissamment appuyé le mouvement « anti-impérialiste » chinois. Ne voulant pas « mettre tous ses œufs dans un même panier », Moscou avait alors soutenu, soit alternativement, soit simultanément, le Parti communiste chinois de Mao Zedong et le Guomindang de Tchang Kaï-chek. Toutefois, son soutien, jamais désintéressé, avait toujours été mis au service des intérêts de l’Etat soviétique, notamment par le biais du Komintern. Surtout, l’URSS, qui avait pourtant officiellement renoncé aux privilèges acquis en Chine par l’Empire des Romanov, se garda bien de lui rendre les territoires spoliés. Cette politique ambivalente a pris fin avec la victoire des communistes en 1949.
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