A la frontière entre le Pérou et la Bolivie, le lac Titicaca en proie à une sécheresse historique

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Tous les jours, Marta Quispe scrute le ciel. Elle sent la pluie : « Elle s’approche, veut tomber, puis repart, emportée par les nuages », déplore la femme, visage sombre et ridé, vivant sur l’archipel des Uros, côté péruvien du lac Titicaca, dont les eaux sont partagées entre le Pérou et la Bolivie. Autour d’elle, l’immensité du lac aux allures de mer intérieure : 950 kilomètres cubes de réserves d’eau douce et un vent soufflant en rafale sur un ciel désespérément clair. Ce bleu profond fait la beauté des paysages, et cause aujourd’hui le désespoir des trois millions d’habitants vivant sur ses îles et son pourtour.

Île de Quipata, autrefois entièrement entourée d’eau et accessible en bateau ou en voiture par des ponts, à Quipata, au Pérou, le 14 octobre 2023.
A gauche. Los Uros, les îles flottantes du lac Titicaca faites de « totoras » (roseaux). A droite : Iovana Porcela, une dirigeante de la communauté de Los Uros, à Los Uros, au Pérou, le 14 octobre 2023.

Le lac Titicaca, le plus haut lac d’eau douce du monde, à 3 810 mètres d’altitude, aux confins de l’Altiplano andin, est confronté à l’une des pires sécheresses depuis quatre-vingts ans. Sur certains rivages, l’eau a reculé jusqu’à deux kilomètres, dévoilant tantôt des bancs de sable blanc, tantôt une terre craquelée qui, aux abords des villes, apparaît jonchée de déchets plastiques.

A cette époque de l’année, des premières pluies sporadiques auraient dû teinter de vert les champs entourant le lac, avant que la saison pluvieuse ne démarre pour de bon en décembre, et s’installe jusqu’en mars ou avril. Mais en ce mois d’octobre, tout est désespérément sec : les herbes sont jaunies, les sols déshydratés et les températures affichent des records pour l’Altiplano andin.

L’inquiétude est palpable

« Nous sommes face à une situation exceptionnelle et entrons dans une période de sécheresse extrême qui rappelle celle de 1943 », commente, affable, Juan José Ocola, dans son bureau de La Paz, la capitale bolivienne, à une centaine de kilomètres au sud-est du lac. Il est le directeur de l’Autorité binationale autonome du lac Titicaca, un organe de décision piloté par les deux pays andins. En 1943, faute de précipitations, le lac avait atteint son niveau le plus bas : moins de 2,5 mètres de hauteur. « Des milliers de personnes avaient été contraintes d’émigrer » vers les villes, explique-t-il, la production agricole s’étant écroulée. Le lac, et son réseau de rivières qui l’alimentent, avait perdu son pouvoir de garant de la sécurité alimentaire et hydrique de la région.

Nous n’en sommes pas là. Mais les conséquences se font sentir pour les habitants qui vivent de l’élevage – soit dix millions de têtes de bétail et d’alpagas à nourrir –, d’une agriculture vivrière, et du tourisme.

Sur les îles Uros, un ensemble constitué d’une centaine de micro-îles de roseaux flottantes, et habitées par des ethnies du même nom – les plus anciens habitants du lac –, ainsi que par des populations aymara, l’inquiétude est palpable. Elles sont parmi les plus affectées par le déficit de pluies ; tout leur mode de vie dépend du lac.

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