Plus de 100 000 Arméniens ont fui le Haut-Karabakh en quelques jours après l’offensive éclair lancée par l’Azerbaïdjan, le 19 septembre, qui a conduit à la chute de l’enclave séparatiste. Mais les forces de Bakou n’ont pas laissé partir tout le monde : huit anciens dirigeants de l’ex-république autoproclamée ont été arrêtés et sont détenus, depuis, dans la capitale azerbaïdjanaise.
Parmi eux figurent trois ex-présidents de l’ex-république autoproclamée : Arayik Haroutiounian, qui dirigeait le territoire séparatiste depuis mai 2020 avant de démissionner le 1er septembre ; Arkadi Ghoukassian, président de 1997 à 2007, et Bako Sahakian, qui a occupé ce poste de 2007 à 2020.
Le dernier chef du Parlement, Davit Ichkhanian, a lui aussi été arrêté, ainsi que David Babayan, ancien ministre des affaires étrangères et conseiller du président, le général Davit Manoukian, l’ex-ministre de la défense (2015-2018) Levon Mnatsakanian, et le banquier d’affaires milliardaire Ruben Vardanian, éphémère ministre d’Etat (de novembre 2022 à février 2023).
Prise de guerre inestimable
Ces arrestations ont marqué la volonté de Bakou de reprendre rapidement et fermement le contrôle de cette enclave disputée, jusqu’ici peuplée en majorité d’Arméniens, mais considérée par le droit international comme appartenant à l’Azerbaïdjan.
Ces huit anciens responsables devront répondre d’activités criminelles, a annoncé l’agence de presse gouvernementale azerbaïdjanaise APA. Arayik Haroutiounian, commandant en chef des forces armées séparatistes pendant la guerre de quarante-quatre jours à l’automne 2020, était visé par un mandat d’arrêt de Bakou depuis qu’il avait reconnu avoir ordonné une frappe de missile, en octobre 2020, sur la deuxième plus grande ville d’Azerbaïdjan, Gandja.
David Babayan a quant à lui fait l’objet de vingt-cinq chefs d’accusation différents, pour « séparatisme » et « terrorisme ». Parmi les anciens dirigeants arrêtés, certains sont également accusés d’avoir commis des crimes de guerre lors de la première guerre pour le contrôle de l’enclave (1988-1994), qui s’était alors soldée par la défaite humiliante de l’Azerbaïdjan face à l’Arménie.
Bakou, qui tient aujourd’hui sa revanche avec la reprise totale du Haut-Karabakh, considère qu’avoir servi dans l’ex-république autoproclamée est un crime. Après plus de trente ans d’existence, cette entité politique – dont personne n’a jamais reconnu l’indépendance, proclamée en 1991, pas même l’Arménie – a été dissoute le 28 septembre.
Pour le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, la capture de ces anciens dirigeants est une prise de guerre inestimable. « C’est une revanche personnelle, et une façon de renforcer son image dans son pays, explique Benyamin Poghosian, chercheur au centre de réflexion Applied Policy Research Institute, à Erevan. Leur procès, dont la date n’est pas fixée mais qui sera public, sera l’occasion de dire, en substance : “Maintenant, vous allez souffrir”. »
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