Que Xi Jinping ne soit pas un libéral, ni politiquement ni économiquement, ne fait pas l’ombre d’un doute. Que le président chinois se démarque sur de nombreux points de ses prédécesseurs, notamment de Deng Xiaoping, non plus. Mais croire que c’est seulement depuis son arrivée au pouvoir, en 2013, que la Chine critique la mondialisation de l’économie serait une erreur.
Le doute est plus ancien. « Il y a un avant et un après-2008. La crise financière a eu un impact sensible sur les Chinois. Les dirigeants et les universitaires ont compris qu’il ne fallait pas suivre aveuglément le modèle américain et que la Chine pouvait avoir son propre modèle. Il y a eu alors un ralentissement de la transformation du pays vers l’économie de marché », expliquait au Monde l’économiste Tu Xinquan, en 2021, à l’occasion des 20 ans de l’accession de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce. Qu’en février 2012 la chancelière allemande Angela Merkel n’ait eu d’autre choix que de se rendre à Pékin pour plaider la cause de la monnaie unique européenne, attaquée par les marchés financiers en raison de la crise grecque, a achevé de convaincre la Chine qu’elle n’avait pas de leçons à recevoir.
Ce qui a changé avec Xi Jinping, c’est que la Chine est passée à l’étape suivante : non seulement elle ne recevra plus de leçons, mais elle en donnera. Or, à ses yeux, un enseignement s’impose : « Si, au bout de trente ans de réforme et d’ouverture, le développement économique et social en Chine a connu d’énormes progrès et que les conditions de vie du peuple se sont considérablement améliorées, c’est parce que nous maintenons fermement la direction exercée par le Parti », expliquait Xi en mai 2014, dans un discours aux dirigeants communistes intitulé « Il faut correctement utiliser la main invisible et la main visible ».
Primat de la sécurité nationale sur la liberté du commerce
La main invisible, c’est évidemment le marché, dont Xi Jinping ne nie pas l’utilité, mais la main visible, c’est le Parti communiste chinois (PCC). Une main de fer, d’ailleurs : sous Xi, non seulement les entreprises publiques sont de nouveau considérées comme le fer de lance de l’économie, mais, au sein des entreprises privées, les cellules du PCC jouent un rôle tout aussi déterminant que les conseils d’administration. Il est d’ailleurs désormais fréquent que le directeur général d’une société soit également le secrétaire de la cellule du PCC.
C’est fort de ce primat léniniste du Parti sur le pays et sur l’économie que la Chine a pris deux initiatives majeures, inquiétant les Occidentaux. Sur le plan international, le lancement, en septembre 2013, des « nouvelles routes de la soie » par Xi Jinping puis, en 2015, le programme Made in China 2025, qui définit dix technologies-clés que Pékin entend maîtriser, voire dominer, afin de réduire sa dépendance technologique à l’égard du reste du monde. Si, officiellement, ce dernier programme est abandonné pour ne pas effrayer les Occidentaux, la stratégie chinoise de maîtrise des technologies-clés demeure. Dès lors, Pékin, comme les Occidentaux, privilégie peu à peu la « sécurité nationale » à la liberté du commerce.
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