L’Europe face à deux guerres

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Gérer une guerre sur ses frontières est déjà une épreuve pour l’Union européenne (UE), née de la volonté de consolider la paix. Affronter deux guerres en même temps, dont la seconde, au Proche-Orient, comporte un puissant effet potentiel de division parmi ses membres, se révèle un défi dont les Vingt-Sept, réunis en sommet jeudi 26 octobre à Bruxelles, ont mesuré toute l’ampleur.

Lire aussi la chronique de Sylvie Kauffmann: Article réservé à nos abonnés Après le déclenchement de la guerre Israël-Hamas, « Vladimir Poutine se frotte les mains »

Pour la première fois depuis bientôt deux ans, une autre guerre que celle que mène la Russie en Ukraine figurait en tête de l’ordre du jour. Alors que les chars israéliens opéraient une première incursion dans la bande de Gaza, amorçant peut-être l’invasion terrestre annoncée après l’attaque terroriste menée par le Hamas en Israël le 7 octobre, les chefs d’Etat et de gouvernement ont débattu pendant cinq heures de l’élaboration d’une position commune sur le conflit entre Israël et le Hamas.

L’issue de ces discussions n’est certainement pas de nature à bouleverser la tragique dynamique en cours : les Vingt-Sept n’ont pu se mettre d’accord que sur l’appel à l’établissement de « corridors humanitaires » à Gaza et à « des pauses pour nécessités humanitaires ». L’idée d’appeler à « une » pause pour raisons humanitaires a été jugée trop proche d’un appel à un cessez-le-feu, rejetée d’emblée par certains Etats membres, notamment l’Allemagne, qui mettent en avant le droit d’Israël à se défendre. Cette formulation minimale, accompagnée du souhait de l’organisation rapide d’une conférence internationale pour la paix, a au moins permis de clore les débats par une position commune après les profondes divergences révélées dès la visite précipitée de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, en Israël.

Le Hamas à Moscou

Outre le danger de la division sur le Proche-Orient, les dirigeants européens doivent conjurer le risque de voir l’Ukraine reléguée au second rang de leurs préoccupations, alors que les forces russes ont repris l’initiative sur le front de l’Est, face à une armée ukrainienne visiblement en difficulté. Les deux conflits ne sont d’ailleurs pas totalement indépendants l’un de l’autre : pendant que les Vingt-Sept écoutaient, jeudi, à Bruxelles, le président Volodymyr Zelensky, qui s’adressait à eux depuis Kiev, une délégation du Hamas était accueillie à Moscou, pour la troisième fois depuis le début de la guerre en Ukraine. Un vice-ministre iranien des affaires étrangères, Ali Bagheri Kani, se trouvait également dans la capitale russe le même jour.

Lire aussi le décryptage : Article réservé à nos abonnés Les Européens tiraillés entre les fronts en Ukraine et au Proche-Orient

Une réorientation de la politique russe au Moyen-Orient est visiblement en cours à la faveur de cette nouvelle explosion du conflit israélo-palestinien. Le président Vladimir Poutine espère tirer parti du vaste mouvement de rejet des positions occidentales dans le monde arabe et plusieurs pays du Sud pour faire oublier sa propre invasion, celle d’un Etat indépendant qui ne s’était livré à aucune provocation.

Jeudi, l’UE a donc réaffirmé son soutien à l’Ukraine, sans dramatiser le jeu peu glorieux de deux premiers ministres d’Europe centrale, le hongrois Viktor Orban et le slovaque Robert Fico. Ces deux leaders populistes n’ont aucun scrupule à vouloir bénéficier de tous les avantages de l’adhésion à une Union qu’ils ne cessent de vilipender, tout en refusant de soutenir l’Ukraine sans aller, évidemment, jusqu’à risquer la rupture avec Bruxelles. Traiter ce cynisme par le mépris est une bonne tactique. Mais garder le cap et les moyens d’un soutien massif à l’Ukraine doit rester une priorité essentielle pour l’UE.

Le Monde

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